La grande détresse de certains médecins résidents du Québec est bien connue dans le réseau. Même si beaucoup de sensibilisation est faite sur le sujet, la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) croit que le Québec pourrait faire plus.

«C'est inacceptable d'avoir le même genre de situation qui revient, année après année», plaide le président de la FMRQ, le Dr Joseph Dahine.

Ce dernier a côtoyé Émilie Marchand sur son lieu de travail. «Je ne la connaissais pas beaucoup. Mais comme dans beaucoup de cas, c'était difficile de voir de l'extérieur qu'elle vivait une telle détresse. Ce décès est tout simplement bouleversant.»

Dans son rapport statistique 2013-2014, publié plus tôt ce mois-ci, le Programme d'aide aux médecins du Québec (PAMQ) révèle que 124 médecins résidents ont demandé du soutien à l'organisme l'an dernier.

«Les médecins n'ont souvent pas de médecin de famille. On leur offre du soutien pour tout problème de santé mentale, de l'épisode de stress à la maladie mentale. On écoute, et on trouve des ressources pour les aider», explique la directrice générale de l'organisme, la Dre Anne Magnan.

Même si les médecins spécialistes (137) et les médecins de famille (160) ont été plus nombreux à demander l'aide du PAMQ l'an dernier, les médecins résidents sont tout de même surreprésentés (124). En effet, le Québec compte environ 18 000 médecins, contre 3600 médecins résidents.

«C'est sûr que les résidents sont surreprésentés chez nous. Mais on ne peut pas dire que c'est parce qu'ils sont plus en détresse. Ça peut aussi être lié au fait qu'ils connaissent tout simplement mieux notre service», avance la Dre Magnan.

Un avis partagé par le Dr Dahine: «Nous faisons beaucoup de sensibilisation, et ça peut avoir un impact.»

La Dre Magnan mentionne que les médecins plus âgés consultent souvent pour de l'épuisement, alors que les plus jeunes parlent plus souvent d'échec de stage et de harcèlement en milieu de formation.

Les médecins résidents sont soumis à de fortes doses de stress, note le Dr Dahine. «Tu travailles avec des vies humaines. Les résidents qui vivent une situation malheureuse culpabilisent souvent. Plusieurs ont un grand sentiment d'attachement avec leurs patients», affirme-t-il.

Le Dr Dahine ajoute qu'en plus des nombreuses heures de travail en hôpital, les résidents doivent faire régulièrement des examens et des présentations. «Tu es toujours en train d'être évalué. La critique est souvent perçue comme étant négative par les résidents qui ont un souci de performer pour se trouver un emploi ou décrocher une place où ils veulent», ajoute le Dr Dahine, qui croit que le système d'évaluation des résidents «devrait être revu».

Au bout du rouleau, certains médecins résidents n'osent pas dévoiler leur situation. «Ils ont peur que ça ressemble à de la faiblesse», explique le Dr Dahine.

Il y a deux ans, la FMRQ a obtenu de faire diminuer le nombre maximal d'heures de garde consécutives pour les médecins résidents de 24 à 16. Mais d'autres éléments doivent encore être corrigés.

Notamment, les médecins résidents qui obtiennent un congé de maladie pour épuisement ne peuvent profiter d'un retour progressif au travail. «C'est tout ou rien. Ou bien tu reviens à cent milles à l'heure avec toutes tes gardes, tes présentations, tes examens... Ou bien non. C'est un cheval de bataille depuis deux ans pour nous. Mais les universités ne veulent pas», indique le Dr Dahine.

La Dre Josée Dubois, vice-doyenne aux études médicales postdoctorales à l'Université de Montréal, assure que la santé physique et mentale des étudiants est «une priorité».

«Les résidents ont un souci de performance très poussé. Ils sont habitués de vouloir être premiers de classe depuis le secondaire. Chaque année, on revoit nos façons d'évaluer, de donner nos rétroactions...» affirme-t-elle.

La Dre Dubois rencontre personnellement tous les résidents qui arrêtent trois mois ou plus leurs études pour établir leurs conditions de retour. Elle mentionne que les résidents qui reviennent d'un congé peuvent effectuer un «stage non contributoire», c'est-à-dire qu'ils ne font pas de garde ni d'évaluation, mais qu'ils regagnent les équipes de soins. «Et quand ils sont prêts, ils reprennent ensuite les gardes et les évaluations», explique la Dre Dubois.

Impossible toutefois de reprendre la garde de façon progressive. «La continuité des soins aux patients est importante. Si on autorisait une garde de deux jours par semaine, il n'y aurait pas de continuité», précise Mme Dubois.

Le Dr Ramses Wassef, responsable du bureau d'aide aux étudiants de l'Université de Montréal, explique que plusieurs résidents ne parlent pas de leur détresse à leurs proches. «On essaye de changer ça. On fait beaucoup de sensibilisation pour encourager les étudiants à demander de l'aide», affirme-t-il.

La FMRQ fait aussi chaque année une tournée des universités pour sensibiliser les étudiants en médecine à la détresse. Le Dr Dahine estime tout de même qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. «Il faut déstigmatiser la détresse et l'épuisement chez les résidents», dit-il.