Deux organismes représentant la profession médicale ont taillé en pièces l'ambitieuse réforme du système de la santé proposée par le gouvernement Couillard, hier. Parmi eux, on trouve la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ), qu'a déjà dirigée le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.

Au premier jour de la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi 10, la Dre Diane Francoeur, qui a succédé au Dr Barrette à la tête de la FMSQ, a qualifié cette initiative d'«irrecevable».

«Un projet de loi, c'est censé améliorer le réseau et non le mettre en péril», a dénoncé la Dre Francoeur.

Abolition des 18 agences régionales de la santé

Le projet de loi 10 prévoit l'abolition des 18 agences régionales de la santé. S'il est adopté, une entité unique, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS), administrera l'ensemble des établissements de santé dans chaque région, sauf Montréal.

Dans la métropole, cinq CISSS se partageraient l'administration des établissements.

De 128 conseils d'administration dans les établissements de santé, on passerait à 28. Et les membres seraient ultimement nommés par le ministre.

La FMSQ dit n'avoir jamais été consultée avant le dépôt du projet de loi. La Dre Francoeur prévient qu'un médecin envoyé à Rivière-du-Loup pourrait bientôt être forcé de pratiquer dans plusieurs établissements qui se trouvent à des centaines de kilomètres les uns des autres.

Elle craint aussi une concentration du pouvoir entre les mains du ministre de la Santé.

«Ce que nous dénonçons aujourd'hui, ce n'est pas que le ministre veuille abolir les agences, a-t-elle dit. C'est que le ministre veuille prendre tout le pouvoir des agences et, au lieu de le faire descendre par le bas dans les établissements, qu'il le garde avec lui en haut.»

Moins virulent, le Collège des médecins (CMQ) a lui aussi exprimé des réserves face au projet de loi. Son président, le Dr Charles Bernard, craint les répercussions de la réforme sur les conditions de pratique de ses membres.

«On est préoccupés par l'effet que ça va faire sur la motivation des troupes, sur l'évaluation de la qualité, a indiqué le Dr Bernard. Les soins de santé, c'est un domaine local et régional. Chaque région a des besoins différents.»

Barrette persiste

Mais ces critiques sont basées sur la crainte de l'inconnu, a rétorqué le ministre Barrette. À ses yeux, ni la FMSQ ni le CMQ n'ont soulevé de critiques valides sur le fond du projet de loi.

À la Dre Francoeur, qui craint que le projet de loi mette le réseau de santé en péril, le ministre rétorque que c'est exactement le contraire.

«C'est un projet de loi qui change les choses pour le corps médical, a-t-il dit. Ce que ça change pour le corps médical, c'est que ça les invite à participer activement à la gestion du réseau de la santé.»

Nominations partisanes

La Coalition avenir Québec craint pour sa part que le projet de loi permette au gouvernement Couillard de nommer des dizaines de proches dans des postes clés du réseau de la santé.

«Ça pourrait donner lieu à une série de nominations partisanes d'anciens députés en mal d'emploi, a indiqué le député caquiste Éric Caire. Je ne suis pas convaincu que le réseau de la santé sortirait grandi de cela.»

Le ministre Barrette assure qu'il s'agit plutôt de «pouvoirs de transition» qui permettent de mettre la réforme en branle rapidement. Il affirme que le processus de nomination sera dépolitisé une fois la réforme lancée.