Un infirmier qui travaille de soir à l'unité des maladies infectieuses du CHU Sainte-Justine a été surpris d'entendre le ministre de la Santé affirmer sans équivoque, hier matin, que tout le personnel nécessaire avait été formé pour gérer un cas d'Ebola au Québec. «Personnellement, dans le top, j'ai eu 14 minutes de formation», a affirmé l'infirmier, qui préfère garder l'anonymat.

«Nous sommes l'unité désignée [afin de recevoir les cas d'Ebola en pédiatrie] et une grogne s'installe, a-t-il confié. Récemment, les procédures ont été modifiées et les formations n'ont pas été complétées; le personnel de nuit a à peine été formé.»

Bien que les consignes soient claires et que la reliure contenant le protocole à suivre soit accessible, le jeune infirmier aurait espéré une formation plus concrète sur le port de l'équipement de protection.

«C'est fastidieux, il y a beaucoup de risques de contamination, a-t-il soulevé. On a eu la chance d'avoir une soirée particulièrement tranquille et on a pu pratiquer sur l'heure du souper.»

Nadine Lambert, vice-présidente responsable du personnel en soins infirmiers à la Fédération de la santé et des services sociaux-CSN, n'était pas en mesure de confirmer que les employés devaient faire les tests d'habillage durant les heures de repas. Le syndicat a toutefois rapporté que les craintes du personnel de l'unité des maladies infectieuses de Sainte-Justine sont davantage liées à l'inconnu qu'au protocole d'intervention en soi.

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a assuré que les activités de formation s'intensifieraient d'ici quelques semaines. En ce sens, parmi les mesures supplémentaires qui ont été annoncées, les infirmières et les ambulanciers pourront bientôt visionner des vidéos leur montrant comment utiliser le matériel et porter l'équipement de protection.

Médecins inquiets

Des médecins pratiquant dans des cliniques sans rendez-vous soulèvent aussi de vives inquiétudes. La Presse a consulté un échange de courriels entre une direction régionale de santé publique de la banlieue de Montréal et des médecins qui disaient se sentir dépourvus de moyens pour faire appliquer les mesures recommandées. Les cliniques n'ont pas de triage, les réceptionnistes peuvent difficilement faire respecter l'hygiène respiratoire et les patients attendent parfois de longues heures dans la salle d'attente avant d'être vus par un professionnel de la santé. «Je ne veux pas dire que [les voyageurs arrivant d'Afrique] ne pourraient pas se présenter dans une clinique, mais on s'est assurés qu'ils suivent un canal établi», a expliqué le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, faisant allusion aux directives que les voyageurs recevaient en arrivant à l'aéroport.

Gaétan Barrette a aussi rappelé que les patients présentant les premiers symptômes sont peu contagieux et que les risques de transmettre le virus sont extrêmement faibles. Québec mise sur une prise en charge rapide et assure qu'en ce sens, le réseau a fait ses preuves.

«Nous sommes en mesure de détecter des cas, a expliqué le ministre de la Santé. Nous avons eu 11 cas soupçonnés [au Québec], ils ont été triés, isolés et analysés, et si les résultats avaient été positifs, nous aurions eu le personnel formé nécessaire.»

Un plan déterminé

Advenant le cas où un patient atteint du virus Ebola à un stade avancé téléphonerait à Info-Santé ou se présenterait dans une clinique ou un centre hospitalier qui n'est pas l'un des centres désignés, soit l'hôpital Sainte-Justine et l'hôpital Notre-Dame, une ambulance au personnel ultraspécialisé assurerait le transport du patient, peu importe l'endroit où il se trouve en province.

«Si un patient est à Chicoutimi, on va lui envoyer l'ambulance à partir de Montréal», a confirmé le ministre Barrette, en expliquant que les délais de transport n'avaient pas d'incidence sur le processus de guérison.

Le personnel hospitalier et la population sont en sécurité, ont martelé, hier matin, le ministre Barrette et le directeur national de santé publique, Horacio Arruda. Ils ont garanti que les mesures mises en place dans les établissements hospitaliers de la province permettraient de circonscrire tout risque de transmission du virus Ebola.

«Le Québec ne vivra pas d'épidémie d'Ebola», a déclaré M. Arruda, en expliquant que des mises à jour régulières des processus d'intervention étaient faites en fonction de l'évolution de la situation mondiale.

Des mesures supplémentaires annoncées

• Intensification des activités de formation

• Production et diffusion de vidéos de formation sur l'utilisation des équipements

• Mise sur pied d'un comité d'approvisionnement d'équipement

• Mise en oeuvre des recommandations du comité multisectoriel portant sur les équipements de protection personnelle et sur les méthodes de travail

• Poursuite des conférences téléphoniques portant spécifiquement sur le virus Ebola entre les acteurs du milieu