Dans le but de retrouver l'équilibre budgétaire, le gouvernement Couillard compte amorcer dès cet automne une vaste réorganisation des établissements dans le réseau de la Santé. Les décisions qui se prennent actuellement dans plus de 125 établissements de santé seront centralisées dans une cinquantaine sur l'ensemble du territoire québécois.

Sur l'île de Montréal, les Centres de santé et de services sociaux - on en compte une douzaine actuellement - devront être regroupés avec un hôpital. La moitié des établissements ne le sont pas encore; aucun CSSS ne sera autonome au terme de la réforme.

Dans le réseau, on s'attendait à ces regroupements, sans connaître précisément leur ampleur toutefois. Dans une agence de la santé, on sait déjà que tous les établissements de l'île de Montréal seront regroupés derrière une poignée d'hôpitaux - quatre ou cinq selon les scénarios. 

D'ici deux ans, «toute la structure sera ramenée au minimum, les conseils mais aussi les administrations seront regroupées», a confié une source proche du projet de regroupement. 

Déjà dans le passé, sur la Rive-Sud, le CSSS Champlain avait été regroupé avec l'hôpital Charles-Le Moyne. Depuis un an, un programme visait à favoriser les fusions volontaires. Un projet de loi viendra forcer la main des établissements.

Ressac politique

Un ressac politique important est à prévoir. À la fin des années 90, le gouvernement Bouchard avait procédé aussi à un vaste réaménagement, une manoeuvre qui prévoyait des fermetures d'hôpitaux, mal acceptées par la population.

La réorganisation sera lourde de conséquences pour le fonctionnement des petits hôpitaux généraux, appelés à adhérer à une structure plus importante.

Le but de l'opération est clair: réduire le nombre de «décideurs» dans le réseau. Leur multiplication retarde la mise en place des décisions prises par le ministère de Gaétan Barrette. 

Ces intentions, incarnées par des projets de loi, doivent être expliquées aujourd'hui aux députés libéraux réunis pour leur caucus spécial de deux jours au Manoir Richelieu, un site somptueux qui ne cadre guère avec l'agenda de compression de Québec.

Le ministre Barrette a planché une bonne partie de l'été sur son plan pour la rentrée, ses fonctionnaires n'ont pu fournir tout ce que leur patron attendait d'eux en terme de projet de loi. 

Dans l'ensemble du gouvernement, 70 projets de loi ont été préparés dans le cadre de l'opération des compressions budgétaires, mais on comprend qu'une vingtaine seulement pourront, de façon réaliste, cheminer à l'Assemblée nationale cet automne.

Au sein du réseau de la santé, on constate que l'opération menée au ministère de la Santé s'est faite dans le plus grand secret, les organismes et les agences n'ont pas été mis dans le coup. Le ministre Barrette aura besoin de plus d'un projet de loi pour modifier la gouvernance dans le réseau, des décisions qui doivent l'aider à sabrer dans son budget le milliard de compressions réclamé par le Conseil du trésor.

Des décisions «importantes» 

Hier, à son arrivée à la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le responsable de la Santé, Gaétan Barrette, a clairement indiqué que le retour au travail de l'Assemblée nationale le 16 septembre donnerait le coup d'envoi à «une série de décisions importantes pour le réseau, c'est à ce moment que les annonces se font. En santé, il y a beaucoup d'enjeux importants et beaucoup d'annonces qui seront faites en temps opportun», a-t-il dit.

Il était visiblement irrité de la campagne de publicité lancée par la Fédération des médecins spécialistes, un groupe qui plaide la bonne foi dans ses négociations avec Québec - le gouvernement veut reporter le décaissement de plus de 400 millions en honoraires de médecins, au-delà de 2015-2016 pour parvenir à atteindre l'équilibre budgétaire.

«La négociation n'est pas éternelle, les médecins doivent comprendre la position budgétaire du Québec», a-t-il soutenu. Pour lui, les propositions des médecins sont insuffisantes pour permettre au gouvernement d'atteindre ses objectifs. Le ministre Barrette rencontrera les deux fédérations la semaine prochaine, un face à face qui sera déterminant promet-il, laissant clairement entendre qu'une loi spéciale pourrait être déposée pour imposer un règlement, à défaut d'une entente négociée.

Un vétéran

Pour mener les négociations avec l'ensemble du secteur public - 550 000 salariés -, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a annoncé hier que Québec avait retenu les services d'un vétéran, Maurice Charlebois, comme négociateur en chef pour la prochaine ronde. Un premier contact avec les centrales est prévu le 11 septembre, mais les échanges formels s'amorceront le 2 octobre.

Proche du secrétaire général du gouvernement, Roberto Iglesias, Maurice Charlebois avait négocié pour le réseau de la Santé, puis pour l'ensemble du gouvernement à l'époque de Lucien Bouchard. Par la suite, jusqu'en 2009, il avait été vice-président aux ressources humaines à Hydro Québec. Sa rémunération tiendra compte de sa pension - il a pris sa retraite il y a cinq ans, mais elle devrait atteindre 450 000$ pour les deux ans prévus à son contrat.

En marge de son annonce, le ministre Coiteux n'a pas voulu s'avancer sur l'hypothèse d'un gel salarial après la fin de la convention en cours, le 15 mars 2015. Il dit espérer pouvoir «bonifier» la rémunération des employés de l'État, mais ne cache pas que cette marge de manoeuvre suppose une importante réorganisation du travail. 

La prochaine entente, doit «tenir compte de la capacité de payer des contribuables et la nécessité de l'équilibre budgétaire», a-t-il dit.