La cigarette électronique ne devrait pas être permise dans les endroits fermés ou publics où la cigarette traditionnelle est interdite, a tranché hier l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un nouveau rapport. Mais aux yeux des spécialistes de la santé publique, le «vapotage» est la seule solution pour les fumeurs invétérés. Quatre mots pour comprendre.

Contagion

Les données du Royaume-Uni, le pays où la cigarette électronique est la plus populaire, ne montrent pas qu'elle mène les non-fumeurs à la cigarette traditionnelle, reconnaît l'OMS. Mais l'organisme considère qu'il s'agit de résultats préliminaires qui demandent la plus grande prudence. «C'est comme si on surveillait étroitement les gens qui sortent d'un édifice en flammes pour éviter qu'ils y rentrent à nouveau», tonne Me David Sweanor, juriste de l'Université d'Ottawa, qui se spécialiste dans les politiques publiques de lutte contre le tabagisme. «Pour un risque théorique pour la population, on sacrifie des millions d'individus qui sont accros à la cigarette», renchérit Dr Delon Human, médecin suisse qui milite sur les tribunes internationales pour un accès accru à la cigarette électronique.

En public

Ici, le désaccord est complet. «Le risque est trop grand de défaire des années d'efforts et de renormaliser l'utilisation de la cigarette dans les endroits publics», estime la Dre Geneviève Bois, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Me Sweanor, de l'Université d'Ottawa, considère pour sa part que le fait d'interdire la cigarette électronique dans les endroits publics protège l'industrie du tabac d'un concurrent dangereux. «On a trouvé le premier outil qui permet aux fumeurs invétérés d'écraser, ou au moins de diminuer leur consommation, et on mettrait autant de restrictions qu'avec la cigarette?, dit Me Sweanor. Les dangers de la vapeur sont du même ordre que les effluves des parfums, des tapis, des aliments, qu'on n'interdit pas.»

Nicotine

Le rapport de l'OMS confirme que la nicotine n'est pas cancérigène, mais avance que certains autres éléments de la vapeur pourraient l'être et que la nicotine semble être un promoteur de tumeurs chez la souris. Cette précision est inacceptable pour le Dr Human, de Lausanne. «La toxicité de la nicotine et de la vapeur ne devraient pas entrer en ligne de compte dans le débat, ça le teinte d'un soupçon injustifié», selon lui. La Dre Bois, de la Coalition pour le contrôle du tabac, précise que, selon elle, c'est la toxicité des autres produits de la vapeur, et non celle de la nicotine, qui pose problème.

Débat

Les pays membres de l'OMS débattront du rapport l'automne prochain à Moscou. Pendant ce temps, le ministère de la Santé du Québec a annoncé son intention de réglementer l'utilisation de la cigarette électronique pour l'interdire aux mineurs et dans les lieux publics. Santé Canada réfléchit aussi à la question - pour le moment, la cigarette électronique est théoriquement interdite au pays, même si la surveillance n'est pas constante. En ce qui concerne les jeunes, tous s'accordent: ils ne doivent pas pouvoir en acheter. Pour ce qui est du prix, il doit, selon le Dr Pipe, de l'Université d'Ottawa, être plus bas que celui des cigarettes traditionnelles, pour permettre aux fumeurs souffrant de problèmes psychiatriques d'y avoir accès. «Plus de 40% des cigarettes sont fumées par ce groupe, indique-t-il. Ça réduit l'espérance de vie des patients atteints de maladies psychiatriques de près de 25 ans.»