Alors que le Canada et les États-Unis négocient un accord de libre-échange qui approfondirait les relations commerciales entre les deux pays, le Partenariat Trans-Pacifique, plusieurs Américains restent mécontents de certaines barrières commerciales qui persistent. L'une d'entre elles, notamment, leur interdit d'acheter des médicaments d'ordonnance auprès de pharmacies canadiennes en ligne.

Shane Brandon, un entraîneur privé et culturiste vivant en Oklahoma, et son fils Braxen, 8 ans, doivent inhaler une à deux doses d'Advair chaque jour pour soulager l'asthme qui les afflige.

Coût du traitement aux États-Unis? Quelque 560$US par mois, malgré leur assurance maladie. Ce faisant, Brandon préfère payer 90$US tous les trois mois pour s'approvisionner auprès d'une pharmacie canadienne en ligne.

«On achète un médicament générique qu'on ne peut pas avoir aux États-Unis, dit-il. Avec ça, on n'a presque aucun symptôme. Pas besoin d'aller à l'urgence, pas d'attaques d'asthme.»

La pratique est actuellement illégale aux États-Unis, mais pousse plusieurs personnes désespérées à transgresser la loi. Dans ce contexte, certains législateurs parlent de la légaliser - un débat qui a pris de l'ampleur ces derniers mois.

Projet de loi non partisan

Plus tôt en juillet, les sénateurs John McCain (républicain) et Amy Klobuchar (démocrate) ont proposé un projet de loi non partisan qui permettrait l'achat de médicaments en ligne à partir du Canada. Les deux législateurs promettent de le faire progresser après les élections générales de novembre.

À la Chambre des représentants, un projet de loi similaire a été déposé en décembre dernier.

L'effort n'est pas nouveau, mais il est opportun parce qu'il fait suite à l'adoption d'une loi dans l'État du Maine en fin d'année dernière qui autorise l'achat de médicaments en provenance du Canada - la première en son genre.

«Des projets de loi pour permettre les importations [de médicaments d'ordonnance] aux États-Unis ont été introduits périodiquement tant au niveau des États que du fédéral. Ils ne sont pas allés très loin, mais l'environnement a changé, alors qui sait?», explique Linda Gorman, directrice du Centre de santé publique de l'Independence Institute au Colorado.

Pas moins d'un million d'Américains achètent chaque année des médicaments par le biais des pharmacies en ligne membres de l'Association canadienne de pharmacies internationales, selon son porte-parole Tim Smith. Le chiffre n'est cependant pas vérifiable, puisque ni les autorités canadiennes ni les américaines n'ont de données à ce sujet.

Ces consommateurs se tournent souvent vers le marché canadien notamment pour économiser sur les produits ne trouvant pas d'équivalent générique aux États-Unis, explique M. Smith. En 2012, le prix moyen des médicaments d'ordonnance était deux fois plus élevé aux États-Unis qu'au Canada, rapporte la sénatrice démocrate Amy Klobuchar.

L'un des partisans les plus féroces de la légalisation des importations de médicaments est le New-Yorkais Gabriel Levitt, vice-président d'un portail Web populaire qui certifie les pharmacies canadiennes en ligne, PharmacyChecker.com.

M. Levitt dénonce ce qu'il qualifie de «technique d'intimidation» de l'industrie pharmaceutique et des autorités américaines, qui mettent constamment en garde contre le risque d'acheter des médicaments contrefaits en ligne.

«Les consommateurs américains paient le prix de cette stratégie parfois avec leur portefeuille et d'autres avec leur santé parce qu'ils ne peuvent pas payer les médicaments ici», dit-il.

PharmacyChecker.com a récemment publicisé haut et fort une pétition présentée à la secrétaire à la Santé des États-Unis qui réclame que les médicaments saisis à la frontière ne soient pas détruits, comme le prévoit un règlement en cours d'adoption. L'un des 20 000 signataires était Shane Brandon, ce père de famille de l'Oklahoma cité précédemment.

Effets secondaires indésirables

Si l'importation des médicaments sur ordonnance connaît un vent de popularité auprès d'une frange d'Américains, les autorités canadiennes découragent la pratique.

L'un des effets indésirables d'un marché ouvert des médicaments d'ordonnance est la flambée des prix au Canada qui pourrait faire suite à une hausse subite de la demande, explique Brett Skinner, président du Canadian Health Policy Institute, un centre de recherche basé à Toronto.

Les 40 millions d'Américains âgés qui n'ont pas d'assurance maladie ou sont sous-assurés comptent parmi les principaux clients des pharmacies en ligne, disent plusieurs experts.

Selon l'U.S. Census Bureau, 40 millions d'Américains étaient âgés de 65 ans en 2010, et 47 millions n'avaient pas d'assurance maladie en 2013 (le chiffre est appelé à descendre avec les récentes réformes du système de santé).

Une autre crainte est que l'industrie pharmaceutique en vienne à réduire ses ventes au Canada pour décourager l'exportation vers les États-Unis, causant une rupture éventuelle de stock, explique Brett Skinner. «Si le projet de loi de McCain et Klobuchar passe... les conditions économiques seraient en place pour que l'industrie pharmaceutique limite l'offre de ses produits au Canada», dit-il.

Shane Brandon comprend la situation, mais explique que pour lui la problématique est plus terre à terre. «Si je ne pouvais pas obtenir le générique d'Advair du Canada, je devrais probablement m'en passer et seulement l'acheter pour mon fils, pas pour moi», dit-il.