Âgée de 82 ans, Cristine a passé quatre heures étendue sur le plancher de sa maison, lundi soir dernier, en attendant que des ambulanciers d'Urgences-santé viennent la secourir. Le service ambulancier de Montréal a connu une soirée anormalement mouvementée et a été confronté à des délais hors normes, a appris La Presse.

Vers 19h lundi soir, l'octogénaire a perdu pied et s'est étendue de tout son long dans sa maison du quartier Villeray à Montréal. La vieille dame habite seule. «Elle a toujours vécu avec ses soeurs, mais elles sont toutes décédées dans les dernières années», raconte Gloria Neri Daniel, la nièce de Cristine.

Incapable de se relever, la vieille dame a pris le téléphone qu'elle traîne toujours dans sa poche et a appelé sa nièce qui habite un quartier voisin. «Je suis arrivée environ 20 minutes plus tard. J'ai alerté le voisin. Il est venu m'aider à relever ma tante. Mais on a été incapables. On ne pouvait pas la soulever. Elle disait qu'elle avait trop mal», a raconté Mme Neri Daniel.

Le 911 a été appelé vers 19h30. «On nous a dit de ne pas la bouger. Il n'y avait pas de sang. J'ai mis des coussins sous la tête de ma tante pour qu'elle soit plus confortable en attendant», raconte Mme Neri Daniel.

Étendue au sol, l'octogénaire a attendu plusieurs heures avant que les secours ne viennent. «Elle avait mal. Elle faisait tellement pitié! C'est une dame qui n'a jamais rien demandé à la société. Et là, on la laisse comme ça...» critique Mme Neri Daniel, en ne pouvant réprimer un sanglot.

Soirée achalandée

Les ambulanciers sont arrivés à 23h22. «Ils étaient très gentils. Ils s'excusaient. Ils nous disaient que la soirée était anormalement achalandée», raconte Mme Neri Daniel.

Effectivement, le porte-parole d'Urgences-santé, Benoît Garneau, confirme que son service a été inondé d'appels le lundi 2 juin. «Le volume d'appels a été important. On ne sait pas pourquoi. Malheureusement, l'appel dont vous me parlez n'était pas urgent. Dans des journées comme celle d'hier, on doit mettre l'accent sur les priorités urgentes», explique-t-il.

M. Garneau mentionne que la nièce de Cristine a rappelé le 911. «À chaque fois, on a réévalué la situation, qui n'a jamais été urgente. On sympathise beaucoup avec la dame. Mais on doit parfois choisir entre sauver des vies ou régler des cas moins urgents. Si on le pouvait, on interviendrait plus vite sur tous les cas», dit M. Garneau.

Mais pour Mme Neri Daniel, il est «inacceptable qu'en 2014 au Québec» l'on tolère des situations comme celle-ci.

Manque de ressources

Président du Syndicat du préhospitalier, Réjean Leclerc estime que des cas comme celui de l'octogénaire se produisent régulièrement dans la métropole. «Il manque de ressources. C'est clair, dit-il. On le dit depuis un an. Le gouvernement ne veut pas mettre plus de ressources ambulancières que d'appels. On gère serré. Si bien que dès qu'une soirée est plus occupée que la normale, on manque de ressources.»

Cristine a finalement dû être hospitalisée notamment pour une blessure à la clavicule. Pour M. Leclerc, il est inacceptable qu'une personne âgée attende si longtemps avant de recevoir le secours des ambulanciers. «Les personnes âgées sont des boîtes à surprises. Leur état peut se dégrader très rapidement. Il faut intervenir plus vite», estime-t-il.