Le Collège des médecins du Québec voit d'un oeil favorable l'implantation dans la province d'un système de téléconsultation médicale proposé par une entreprise de Vancouver, Medeo, qui offre déjà ce service en Colombie-Britannique.

Des représentants de Medeo ont rencontré la direction du Collège récemment afin de lui présenter une nouvelle application de télésanté qui permettrait aux Québécois de consulter un médecin au moyen d'un ordinateur, d'une tablette ou même d'un téléphone intelligent.

Le système créé par l'entreprise est une clinique médicale virtuelle où les patients inscrits peuvent consulter un médecin pour un problème de santé ponctuel ou exercer le suivi médical de certaines maladies chroniques comme l'hypertension ou le diabète.

Une fois sa demande reçue, le patient est dirigé vers une salle d'attente virtuelle en attendant qu'un médecin se connecte pour amorcer la consultation.

Le Dr Charles Bernard, président du Collège, ne doute pas que le type de produit présenté par Medeo sera un jour utilisé au Québec. Il émet cependant quelques réserves.

«Nous avons encore des interrogations. Entre autres par rapport à la sécurité des données. Nous devons avoir des garanties. Ensuite, comment fait-on l'arrimage avec le système de santé, et ce, dans le respect des ententes actuelles?», se demande-t-il.

«Est-ce que ce genre de service sera utilisé? Pour moi, la réponse est oui. La question est de savoir quand et comment. C'est inévitable. C'est une nouvelle occasion dont nous devons évaluer les bénéfices et les inconvénients. Nous avons une approche prudente. Mais c'est prometteur.», poursuit-il.

Le Ministère se dit ouvert

À Québec, le ministère de la Santé partage les mêmes interrogations que le Collège par rapport à la sécurité des données. «Nous voulons nous assurer que ces technologies respectent la loi et les orientations du Ministère, surtout en ce qui a trait aux enjeux de sécurité, de confidentialité et d'intégrité des renseignements des patients», explique Joanne Beauvais, attachée de presse du ministre Gaétan Barrette.

Ce dernier, qui n'a pas rencontré les représentants de Medeo, pourrait se montrer intéressé à écouter ce que l'entreprise veut offrir dans la province. «Les portes ne sont pas fermées. Le ministre a dit qu'il y avait de nombreuses choses à améliorer pour faciliter l'accès à la première et à la deuxième ligne. Il y a de l'ouverture par rapport à ce qui peut apporter des solutions», ajoute Mme Beauvais.

Avant d'accepter le projet de Medeo, le gouvernement de la Colombie-Britannique craignait aussi que la sécurité des données et le respect de la vie privée des patients soient négligés.

Le président de l'entreprise, Ryan Wilson, assure que «le degré de sécurité des renseignements des patients et des médecins est équivalent à celui des banques». «Nos serveurs sont situés au Canada, à Kamloops et Brampton. Aucun renseignement n'est hébergé à l'extérieur des frontières canadiennes», ajoute-t-il.

« Pas une solution miracle »

Medeo a aussi demandé l'avis de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Son président, le Dr Louis Godin, qui a rencontré les représentants de l'entreprise, voit certains avantages à l'addition de cette technologie au système de santé existant et à l'accès à un médecin.

Cependant, il ne faut pas y voir un remède miracle, selon lui. «Oui, les téléconsultations pourraient avoir un effet positif sur l'engorgement des urgences et l'accès à des consultations dans les cliniques. Mais il ne faut pas y voir une solution miracle. Les problèmes du système de santé sont beaucoup plus complexes que de simplement ajouter un autre service», rappelle-t-il. C'est quelque chose qui fera partie de notre réalité. La technologie est là, et les gens voudront l'utiliser. Et avec raison. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable.»

Tout en soulevant le défi de l'arrimage des nouvelles plateformes au système public actuel, le médecin spécialiste des questions de santé publique et professeur à l'Université Laval, Jean-Paul Fortin, croit que la télésanté est une avenue que le Québec devra prendre tôt ou tard.

«Il faut aller dans cette direction. Il faut trouver des solutions. C'est l'avenir. La télésanté va permettre au patient de mieux gérer sa santé. Il est important que ce dernier devienne au centre de sa propre santé», analyse-t-il.

«Les médecins sont ouverts, mais ils sont prudents, ajoute-t-il. Comment cela s'intègre-t-il dans la pratique? [...] Ils ont besoin de bien connaître les règles.»

Une pratique qui évolue

La télésanté n'est pas un phénomène nouveau au Québec. Depuis une dizaine d'années, les médecins utilisent différentes technologies pour discuter avec leurs patients et participer à des activités de formation. « Avec des patients que l'on connaît depuis longtemps, nous pouvons faire des appels téléphoniques pour discuter de leur condition et donner des conseils. Aujourd'hui, les patients envoient aussi des courriels à leur médecin », explique le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. « De la télémédecine, il s'en fait déjà au Québec, par exemple avec des patients aux prises avec des problèmes de plaies chroniques. Les médecins n'ont qu'à voir les images pour les analyser », poursuit le Dr Godin. D'ailleurs, l'Université de Sherbrooke mène en ce moment un important projet sur ce type de traitement. Dans la métropole, le département de médecine de l'Université de Montréal travaille aussi sur différents projets de télésanté, dont un portant sur le télédépistage de la rétinopathie diabétique.