Pour atteindre ses cibles budgétaires, le gouvernement Couillard va décréter des coupes importantes dans le nombre de cadres du réseau de la santé. La cible exacte reste à préciser, mais il faudra aller plus loin que les compressions de 10% - 150 millions par année - annoncées pour l'administration de la santé en campagne électorale.

Le fameux étalement de la rémunération des médecins ne livrera pas les 700 millions d'économies dont avait parlé publiquement l'ex-président du Conseil du trésor Stéphane Bédard. Dans le meilleur scénario, Québec pourra reporter à plus tard 400 millions de dollars de dépenses, ce qui est grosso modo l'entente qu'était sur le point d'endosser Gaétan Barrette quand il était de l'autre côté de la table en tant que président de la Fédération des médecins spécialistes.

Comme le ministre Barrette doit comprimer 900 millions de dépenses pour entrer dans sa cible de 3% de croissance, il doit réaliser près de 500 millions d'économies auprès d'autres sources, et une bonne partie proviendra des cadres de son ministère.

Car en 10 ans, le nombre de cadres du réseau a augmenté de plus de 30%, soit de 3% par année, ce qui représente près de 3000 personnes de plus - une hausse plus rapide que celle des syndiqués. En 2002-2003, le réseau des établissements de santé comptait 9365 employés-cadres. Ils étaient 12 202 en 2010-2011. Dans les établissements, le taux d'encadrement dépasse les 23 employés par cadre. Dans les agences, on est à 5 employés par cadre, 230 cadres pour moins de 1000 employés.

C'est dans cette perspective que le tandem Philippe Couillard-Roberto Iglesias, tous deux issus du Ministère, ont envoyé Michel Fontaine au poste de sous-ministre de Gaétan Barrette. Fontaine avait été celui que Réjean Hébert avait choisi pour passer un grand coup de balai au CHUM. Il avait aboli en quelques semaines 26 postes de cadres supérieurs et fait sauter tout un niveau de vice-présidents. «Couper dans le soutien administratif, c'est son mandat», avait résumé une source proche du dossier. Avant de faire le saut en politique, Barrette était d'ailleurs favorable en coulisses au grand ménage au CHUM, que Pauline Marois lui avait d'ailleurs offert de diriger. Les fusions d'établissements et des agences régionales sont une autre source d'économies examinées par le ministre Barrette.

Crédits d'impôt

Autre cible pour boucler le budget de dépenses, Québec va réexaminer une foule de crédits d'impôt, des mesures par lesquelles il se prive de revenus. À son arrivée au pouvoir, Jean Charest avait mis en place la commission Brunet, qui avait proposé l'abolition de plusieurs dépenses fiscales. Plusieurs d'entre elles ont été rétablies par la suite.

Autour de la table du Conseil des ministres, on évoque les très généreux avantages accordés aux firmes du multimédia - elles bénéficient d'un abattement allant jusqu'à 37% de la masse salariale. Mais les firmes de ce secteur sont éminemment mobiles; l'Ontario cherche à attirer Ubisoft. Dans le secteur des technologies de l'information, Québec consent aussi à renoncer à des revenus de l'ordre de 100 millions par année uniquement pour CGI, indique-t-on. La commission promise sur la fiscalité sera annoncée prochainement. Son président sera Luc Godbout, comme l'a annoncé La Presse.

D'autres compressions évidentes ont été remises à plus tard, après l'étude d'une commission permanente sur la revue de programmes. Par exemple, l'épée de Damoclès plane au-dessus de Télé-Québec qui, de compression en compression, est devenue pratiquement inopérante.

Déficit zéro

Hier, à l'issue du caucus de ses députés avant le début de la session parlementaire, mardi prochain, Philippe Couillard a martelé sa détermination à garder le cap sur le déficit zéro pour 2015-2016. Pour y arriver, le déficit doit être ramené à 1,75 milliard pour 2014-2015. «La priorité pour moi et le gouvernement, c'est de rétablir l'équilibre budgétaire. Ce n'est pas une option», a prévenuM. Couillard.

Pas question pour lui de saisir la perche tendue par la CAQ, qui croit que des baisses d'impôt, susceptibles de fouetter l'économie, généreraient les revenus dont Québec a cruellement besoin. Hier, François Legault suggérait que Québec abolisse la taxe santé pour les personnes dont le salaire est de 45 000$ et moins. «Si on veut relancer l'économie du Québec, c'est absolument nécessaire. C'est incontournable, à mon avis, de réduire les taxes pour relancer la consommation des ménages au Québec», a affirmé le chef caquiste.

Pour Couillard, le retour à l'équilibre doit se faire de façon «ordonnée». Par la suite, la marge de manoeuvre sera répartie également entre la réduction de la dette et celle du fardeau fiscal, en commençant par la taxe santé, a-t-il expliqué. Le budget et les crédits budgétaires seront déposés en même temps, «début juin», selon M. Couillard; probablement le 3, indique-t-on par ailleurs.

Dans ce contexte de finances serrées, l'offre de Stephen Harper, qui veut que Québec prenne la responsabilité des ponts à Montréal, n'est pas recevable, explique M. Couillard.