Par la fenêtre de la salle d'isolement où elle était enfermée, Audrey* a vu passer le chariot du déjeuner. Puis celui du dîner. Et du souper. Elle avait faim. Elle a frappé dans la vitre. Elle a crié qu'elle voulait manger. Le préposé ne s'est pas arrêté.

Affamée et en pleine psychose, la femme de 53 ans a pris une bouchée de ses propres excréments pour calmer la douleur qui lui tenaillait l'intérieur. Elle a recraché. Jamais elle n'oubliera l'humiliation.

« Tout le monde me voyait par la fenêtre. J'ai tellement honte », souffle la femme.

Audrey est schizophrène. Des séjours à l'hôpital, elle en a fait beaucoup. Des séjours en isolement aussi.

« Souvent, ils m'ont isolée parce que j'étais suicidaire. C'était la bonne chose à faire. J'étais dangereuse », admet la femme. Mais l'isolement qu'elle a subi en 2012 dans un centre hospitalier de Montréal, jamais elle ne l'acceptera.

Appels à l'aide ignorés

Malgré de profonds stigmates, elle a accepté de nous le raconter, à la condition que nous taisions le nom de l'établissement de santé où elle continue d'être suivie.

C'était en février. Audrey venait d'être transférée d'un hôpital de région pour être soignée dans la métropole. Lorsqu'elle a quitté sa chambre pour aller faire un tour à un autre étage, un préposé a cru qu'elle s'enfuyait. Elle a été enfermée dans une salle d'isolement meublée d'un lit et d'une chaise. On lui a laissé une bassine pour faire ses besoins.

« Je ne comprenais pas ce qui arrivait. Je n'étais pas dangereuse cette fois-là, même pas agressive. Je criais et personne ne me répondait. »

Elle est restée enfermée durant 24 heures et n'a reçu aucun repas. Lorsque sa bassine a été pleine d'urine, elle a demandé qu'on la vide. En vain. « J'avais encore envie et je ne voulais pas que ça déborde par terre, alors j'ai bu ce qu'il y avait dedans, dit la femme. J'étais en crise. C'est la meilleure solution que j'ai trouvée. »

Depuis, elle n'a jamais réussi à chasser la honte. Elle refuse de raconter son histoire à ses proches. « J'ai peur qu'ils me jugent. Qu'ils disent que j'ai couru après. »

* Nom fictif