À compter d'aujourd'hui, tous les nouveaux patients sans-abri ayant besoin d'être hospitalisés en psychiatrie seront pris en charge exclusivement par quatre hôpitaux de Montréal. Un changement important, mais toujours insuffisant, selon le Dr Paul Lespérance, chef du service de psychiatrie du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), établissement qui accueille 65% de la clientèle itinérante de la métropole.

Après trois mois de réflexion, l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal implante aujourd'hui une nouvelle mesure pour régler une fois pour toutes le problème de la prise en charge de la clientèle itinérante dans la métropole.

En cas d'urgence, policiers et ambulanciers continueront à diriger les patients sans-abri vers l'hôpital le plus près de leur «territoire naturel», comme ils le font depuis janvier. Mais dorénavant, les nouveaux patients ayant besoin d'être hospitalisés seront réorientés uniquement vers le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), l'Hôpital général juif ou l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, qui assumeront à tour de rôle des «gardes» d'une semaine.

Même si aucun montant nouveau ne sera injecté, la directrice adjointe des services sociaux à l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, Liette Bernier, croit que les quatre hôpitaux parviendront à gérer l'ensemble de cette clientèle. «Ils seront en lien avec leurs Centres de santé et de services sociaux qui offrent des programmes efficaces de soins de première ligne pour la clientèle sans domicile fixe. On croit que ça va beaucoup améliorer la situation», dit-elle.

Un avis qui n'est pas partagé par le Dr Lespérance. Ce dernier mentionne que de 20 à 25% des visites aux urgences en psychiatrie du CHUM finissent par une hospitalisation, contre 3 ou 4% pour les autres patients. Le poids de l'hospitalisation des patients en psychiatrie est donc énorme. «Environ 40% des lits actifs en psychiatrie au CHUM y passent», note le Dr Lespérance. Selon lui, Montréal aurait besoin de 25 à 30 lits d'hospitalisation de plus en psychiatrie. Mais aucun investissement supplémentaire n'est lié à la nouvelle mesure de l'Agence.

Un problème persistant

Depuis plusieurs années, la prise en charge de la clientèle itinérante cause bien des maux de tête aux hôpitaux montréalais. Le phénomène des «portes tournantes», faisant en sorte que les patients ne sont pas pris en charge et reviennent constamment à l'hôpital, a été souvent décrié.

Au cours des derniers mois, différentes tragédies, notamment la mort du sans-abri Alain Magloire sous les balles des policiers, ont aussi poussé le réseau à revoir ses façons de faire.

En janvier, l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a fait un premier geste en décidant de mettre fin à la «garde alternée» pour les patients itinérants. Depuis, les policiers et ambulanciers transportent ces patients vers l'hôpital le plus près, et non pas vers l'établissement «de garde».

«Ça nous a permis de voir où se trouve le gros de cette clientèle», explique Mme Bernier.

Celle-ci reconnaît qu'au cours des derniers mois, le CHUM a été submergé par la demande. Mais dès aujourd'hui, elle croit que l'établissement pourra souffler. «En redirigeant les nouvelles hospitalisations vers trois autres hôpitaux, on pense pouvoir alléger considérablement leur fardeau», dit-elle.

Le Dr Lespérance est heureux que d'autres hôpitaux de Montréal viennent prêter main-forte au CHUM. Car selon lui, la situation actuelle était «intenable». «Mais pour les 48 premières heures de séjour, on va continuer à avoir un flot de patients beaucoup plus important qu'auparavant», dit le Dr Lespérance, qui déplore que Montréal «n'ait toujours pas de plan pour une offre adaptée aux itinérants». «À moins d'investissement massif ou d'un changement de donne dans l'attribution de ressources existantes, une offre de soins adaptée à ces patients ne verra jamais le jour», dit-il.

Nouvelle mission pour les Instituts

L'Institut universitaire en santé mentale de Montréal (ancien hôpital Louis-H.-Lafontaine) et l'Institut universitaire en santé mentale Douglas ne s'occuperont plus de l'hospitalisation de nouveaux patients itinérants. La clientèle déjà suivie dans ces établissements continuera à l'être. «Mais nous sommes en train de revoir la mission de nos deux instituts», note Mme Bernier.