Le problème des seringues souillées dans les toilettes et les recoins de l'UQAM est rendu si grave que l'Université a demandé l'intervention de la Santé publique pour tenter de freiner la crise, a appris La Presse.

L'hiver a été pire que jamais pour l'établissement, pourtant habitué à ce genre de situation. Le nombre de seringues usagées trouvées a battu des records. Les employés d'entretien racontent avoir été forcés de nettoyer presque chaque jour des murs et des planchers maculés de sang ou d'autres fluides corporels et de réparer des cuvettes bloquées par des seringues.

«Ça n'a aucun sens le nombre de toilettes qu'on est obligé de fermer pour insalubrité», déplore Alain Gingras, directeur du Service de la prévention et de la sécurité.

«On a eu un hiver très rigoureux. Les utilisateurs de drogue cherchent des endroits où s'injecter, alors ils vont dans les toilettes, les coins sombres ou les stationnements souterrains», dit-il.

Seulement depuis janvier, 4500 flâneurs ont été interpellés par des agents de sécurité de l'établissement; 2000 ont été escortés à l'extérieur parce qu'on craignait qu'ils ne commettent un méfait.

«On ne s'attendait pas à ce que ça soit aussi pire. On a été pris de court», admet M. Gingras.

L'été dernier, les équipes de surveillance de l'UQAM avaient remarqué une baisse du nombre de vendeurs de drogues aux alentours de ses pavillons. On entrevoyait donc un hiver plus facile. Le contraire s'est produit.

«Le froid est un facteur déterminant. On a aussi remarqué que des édifices voisins mettent les gens dehors en leur disant d'aller à l'UQAM. On ne veut pas devenir une terre d'accueil.»

Ras-le-bol

Même si elle a l'habitude de côtoyer des usagers de drogues dans le quartier, cette fois, la population universitaire en a ras le bol.

«La situation est devenue intolérable», écrivait le mois dernier le Syndicat des employés dans une note adressée à ses 2000 membres. «Depuis quelque temps, ce problème prend une ampleur très inquiétante. Cette situation est insécurisante pour tous les membres de la communauté universitaire.» L'instance a aussi envoyé une lettre au recteur de l'établissement pour exiger des solutions.

Les étudiants aussi en ont assez. «Il n'y a rien de plus dégoutant que de tomber sur une seringue pleine de sang dans [la cuvette]», rage Camille, une étudiante en science politique rencontrée à l'université, qui a vécu plus d'une fois la désagréable expérience.

La direction de l'université ne s'en cache pas: le problème est réel. Et malgré de nombreuses mesures mises en place pour contrôler la présence de seringues, comme des boîtes de récupération dans certaines toilettes et l'embauche récente de gardiens de sécurité supplémentaires, rien ne bouge.

«On a décidé d'aller cogner à la porte de la Santé publique. On veut savoir si les mesures qu'on a prises sont les bonnes; si elles ont un impact réel sur la situation des seringues», dit Alain Gingras. Des rencontres ont déjà eu lieu entre les deux organismes.

Plan d'action

«L'UQAM est en plein coeur du centre-ville. Sa situation géographique la rend plus vulnérable», explique la Dre Carole Morissette, médecin-conseil à la Direction de la santé publique de Montréal (DSP).

On veut donc travailler avec les membres du personnel afin de les sensibiliser et d'améliorer leurs manières d'intervenir. «On fait avec eux ce qu'on a déjà fait avec les policiers et les éboueurs, qui sont particulièrement à risque», dit Normand Richer, coordonnateur régional du programme de santé au travail lui aussi à la DSP.

«On va mettre à jour leur formation et leurs procédures de travail et leur rappeler quoi faire en cas d'incident.» M. Richer rappelle toutefois que ce n'est jamais arrivé qu'une personne contracte une infection après avoir été piquée par une seringue à la traîne.

«C'est plus un irritant qu'un danger», dit la Dre Morissette.

Avec l'arrivée du printemps, la crise s'est résorbée à l'UQAM. Le syndicat des employés témoigne d'ailleurs d'une grande amélioration.

«On veut placer nos pions pour l'hiver prochain», souligne Alain Gingras.