Le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) se positionne désormais comme le leader nord-américain en transplantation pulmonaire et en matière de recherche dans cette spécialité.

Le CHUM vient en effet de se doter de deux appareils de perfusion «ex vivo» pour le poumon, soit un pour les besoins en clinique de transplantation et l'autre pour le centre de recherche.

Le directeur chirurgical du programme de transplantation pulmonaire, le docteur Pasquale Ferraro, ne cachait pas sa fierté en annonçant cette acquisition, lundi, alors que la technologie européenne n'a pas encore fait son chemin aux États-Unis.

«Dans notre domaine, c'est une des premières fois où on va être un peu à l'avant-garde, a-t-il expliqué. Pour une première fois, on peut dire: je l'ai eue avant les Américains!»

Au-delà de ce simple fait, le docteur Ferraro a fait valoir que cette démarche permettrait aux chercheurs québécois de développer des connaissances pour les autres et de publier les résultats de leurs recherches.

Un seul autre de ces appareils de fabrication suédoise est en fonction en Amérique du Nord, soit à Toronto.

Ils permettent de conserver un poumon dans des conditions semblables au corps, d'en vérifier le bon fonctionnement et même de régénérer certains poumons destinés à la greffe qui, autrement, ne pourraient être utilisés en toute sécurité.

«Avec cette machine, nous pourrons vérifier la fonction des poumons. Si le poumon ne fonctionne pas bien, on va le refuser. S'il fonctionne bien, on va le greffer. On aura donc éliminé ou potentiellement réduit le risque de greffer des organes qui ne sont pas de bonne qualité», a expliqué le docteur Ferraro, ajoutant que les médecins n'aiment pas prendre un tel risque.

«Quand on prend un poumon parfait, on peut prédire ou prévoir le résultat. Mais quand on accepte des poumons qui sont marginaux - parfois on les refuse, parfois on les accepte - on a toujours un doute. Ai-je pris la bonne décision? Parce que si nous nous sommes trompés, il y a un patient qui va mourir.»

Les poumons prélevés se détériorent durant la période où ils sont privés d'oxygène et de sang, entre le prélèvement et la greffe. Le nouvel appareil permettra d'aller chercher des poumons beaucoup plus loin - les chercheurs ont avancé l'hypothèse d'une cueillette jusqu'à Calgary - puisque l'appareil pourra justement les régénérer à leur arrivée à Montréal.

Le docteur Ferraro qualifie cette acquisition de pas de géant pour les spécialistes de son domaine.

«Penser qu'on peut recréer un petit peu l'anatomie, la physiologie humaine, prendre des poumons du corps humain et les perfuser et les ventiler dans une boîte, dans une espèce d'incubateur et les garder en vie, ç'a un petit côté magique. C'est presque de la science fiction. On s'imaginait mal, il y a dix ou 15 ans, quand j'ai commencé, qu'on ferait ça un jour, mais nous sommes rendus là.»

Les responsables du programme de transplantation pulmonaire au CHUM estiment que cette acquisition leur permettra d'augmenter de 20 à 25 pour cent le nombre de greffes, ce qui signifie environ une douzaine de greffes additionnelles par année.

L'objectif est de maintenir un rythme d'environ 50 greffes par année afin de réduire graduellement la liste d'attente et de pouvoir éventuellement répondre aux besoins à mesure que ceux-ci surviennent.

Les limites du programme de transplantation et les listes d'attente ne sont toutefois pas fonction de l'équipement mais bien du manque de donneurs. Bien que les nouveaux équipements permettront d'utiliser davantage d'organes provenant de donneurs, le nombre de donneurs lui-même devra être augmenté pour améliorer encore davantage les chances des malades en attente d'une transplantation.

Selon Transplant Québec, le Québec compte 20,2 donneurs d'organes par millions d'habitants. L'organisme estime qu'il faudrait atteindre un niveau semblable à celui de la France, soit 25 donneurs par million d'habitants, pour améliorer sensiblement la situation.