Au moins 60 ressources intermédiaires pour aînés du Québec ne possèdent pas de système de gicleurs, révèlent des données compilées par La Presse. Et depuis 2009, les 388 ressources intermédiaires, qui accueillent des milliers d'aînés en perte d'autonomie dans la province, n'ont reçu la visite d'aucun inspecteur du Ministère, a-t-on appris.

«Les aînés qui sont hébergés dans ces ressources sont vulnérables. C'est choquant de savoir que ces établissements ne sont pas surveillés», affirme le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Jeff Begley.

Au cours des dernières années, de graves lacunes ont été notées dans certaines ressources intermédiaires du Québec. Le Pavillon Marquette à Montréal a notamment dû fermer ses portes en 2011, car certains des aînés qui y étaient hébergés étaient «affamés et malpropres».

Dès 2011, le Protecteur du citoyen recommandait au MSSS de modifier son programme de visites d'appréciation dans les ressources intermédiaires afin de s'assurer que les usagers «bénéficient des services appropriés». Dans son dernier rapport, en 2013, le Protecteur déplorait que rien n'avançait à ce sujet: «Deux ans plus tard, le ministère en est encore à l'étape de l'élaboration d'une grille d'appréciation. Aucune visite n'a été faite depuis.»

Pascale Lemay, de la direction générale des services sociaux au ministère de la Santé, souligne que les centres de santé et de services sociaux (CSSS) sont présents dans les ressources intermédiaires notamment par les infirmières qui y travaillent. «Il y a des visites qui se font. Et si l'établissement constate qu'il y a un problème avec la qualité, il doit intervenir et pourrait même briser son lien contractuel avec cette ressource-là», assure-t-elle.

Mme Lemay ajoute que le nouveau cadre de référence des ressources intermédiaires (RI), attendu d'une semaine à l'autre, mettra en place un «processus de contrôle de la qualité» établissant clairement que le CSSS est responsable de s'assurer de la qualité des services offerts par la ressource intermédiaire.

Selon le cabinet du ministre de la Santé, Réjean Hébert, le Ministère a repris ses visites dans les RI au début de 2013, mais «majoritairement» dans celles destinées à d'autres clientèles comme les déficients intellectuels. «Pour les ressources intermédiaires pour les aînés, c'est planifié, ça s'en vient. En 2014, ça va reprendre», a affirmé l'attachée de presse Ariane Lareau.

Des milieux anonymes

Les ressources intermédiaires sont des places achetées par le gouvernement dans des établissements privés et qui accueillent des personnes âgées nécessitant entre deux et trois heures de soins par jour (voir encadré). Le ministre Hébert répète depuis longtemps son intention d'accélérer l'accroissement des ressources intermédiaires au Québec. Depuis 2010, le nombre de ressources intermédiaires a doublé à Montréal.

Selon le registre des résidences privées pour aînés, 186 résidences possèdent des lits de ressources intermédiaires. Les autres ressources intermédiaires ne figurent pas dans le registre et peu d'informations sont disponibles à leur sujet.

Mais selon les données disponibles, au moins 60 ressources intermédiaires ne possèdent pas de système de gicleurs. Mme Lemay confirme que les ressources intermédiaires n'ont pas toutes l'obligation d'en posséder. «Au niveau de la sécurité incendie, ce qui est demandé c'est de se conformer aux règlements municipaux et au Code de construction lorsque la ressource est visée par le Code de construction», dit-elle.

Pas de seuil minimal

Aucun ratio de personnel-résidant n'est aussi imposé dans les ressources intermédiaires en fonction de leur taille. Dans le rapport d'enquête qui avait suivi la fermeture du Pavillon Marquette

en 2011, les enquêteurs recommandaient pourtant au ministère de la Santé de modifier ses règlements afin que «le seuil minimal de présence de personnel» soit déterminé.

Dans un guide remis aux agences de la santé et des services sociaux, le Ministère précise seulement qu'une ressource intermédiaire «doit garantir la présence constante dans le milieu de vie d'au moins une personne possédant une formation à jour d'un organisme reconnu en réanimation cardiorespiratoire et en secourisme général».

Pour la FSSS, les exigences actuelles sont nettement insuffisantes. «La mission du privé, c'est de faire des profits. Si on veut que des normes de qualité soient respectées, c'est à l'État de les dicter», dit M. Begley.

Le président du Syndicat québécois des employés de service (SQEES-FTQ), Jean-Pierre Ouellet, estime quant à lui que les normes imposées aux résidences privées pour aînés devraient s'appliquer aussi en ressource intermédiaire. «Sinon les établissements qui ne comptent que des lits de ressources intermédiaires devraient respecter des normes moins sévères? Ça n'a pas de sens», dit-il.

La situation n'est toutefois pas sur le point de changer. Dans le nouveau cadre de référence de Québec, les normes de formation et de ratio de personnel ne seront pas modifiées, a appris La Presse. Selon Mme Lemay, c'est au CSSS de «s'assurer que la ressource engage du personnel qui répond aux exigences, qui est capable de rendre de services de qualité, et qu'il y ait du personnel en quantité suffisante en fonction des besoins des usagers».

- Avec Thomas de Lorimier, Rhys Halsey-Watkins et Sylvain Gilbert