Les employés sont très peu nombreux dans les résidences pour personnes âgées après le coucher du soleil. Le Syndicat québécois des employées et employés de service réclame que les effectifs soient augmentés la nuit, ce à quoi s'opposent les propriétaires de résidences privées.

Selon les normes en vigueur, une seule personne qualifiée est exigée pour veiller sur les résidences autonomes de moins de 200 chambres ou logements. Pour les résidences plus grosses, le nombre d'employés minimum la nuit est de deux.

Du côté des résidences semi-autonomes, deux personnes doivent être sur place dans les établissements comprenant entre 100 à 199 chambres, et trois personnes pour ceux de plus de 200 chambres.

C'est nettement insuffisant, dénonce le Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES), qui représente 6000 travailleurs de résidences privées. «La loi exige que deux personnes soient présentes pour donner un bain à une personne semi-autonome. [Dans une situation d'urgence], il faut les descendre du deuxième étage», s'exclame un représentant du SQEES.

La question du ratio entre les employés et les occupants a été soulevée à de nombreuses reprises ces dernières années. À la suite d'un incendie qui avait fait quatre victimes en 2009 à la résidence pour personnes âgées Belle Génération de Saguenay, le Bureau du coroner avait recommandé qu'un membre du personnel par groupe de 30 occupants soit présent en tout temps.

Les propriétaires répliquent

Des recommandations irréalisables, voire inutiles, selon les propriétaires de résidences interrogés par La Presse. À la Résidence Les Fontaines, à Longueuil, trois employés veillent sur environ 300 résidants autonomes la nuit. Le propriétaire, Jack Wolofsky, ne croit pas qu'augmenter les effectifs soit nécessaire. «Qu'est-ce qu'ils vont faire? Laver les tapis dans les corridors? Il n'y a pas de travail la nuit. Les résidants dorment.»

L'ingénieur de formation, qui a conçu la résidence Les fontaines ainsi que d'autres établissements pour personnes âgées, croit plutôt que les qualités du bâtiment sont le meilleur gage de sécurité. «[À la Résidence Les Fontaines], les murs entre chaque logement sont en béton armé d'environ 6 pouces d'épaisseur, et chaque logement a une sortie vers l'extérieur.» Des gicleurs sont également présents dans toutes les pièces.

Ce n'était pas le cas, rappelle M. Wolofsky, de la Résidence du Havre, faite partiellement de bois, où 10 personnes ont perdu la vie et 22 demeurent toujours disparues.

Même son de cloche chez Eddy Savoie, président fondateur des Résidences Soleil, un réseau de 14 résidences pour personnes âgées autonomes et en «légère perte d'autonomie». Dans la succursale de Laval, qui compte près de 1000 résidants, «quatre ou cinq» employés travaillent la nuit. Il s'agit d'un chiffre conforme aux normes, mais est-ce suffisant en cas d'urgence? «Je ne pense pas [qu'augmenter le personnel] soit la solution. La vraie solution, ce sont les gicleurs», répond Eddy Savoie.

De toutes les résidences Soleil, seule la succursale de Sherbrooke est faite de bois. «On a installé un système de gicleurs il y a trois ou quatre ans. C'était un coût énorme, mais pour nous, c'était très important.»

Eddy Savoie, qui estime le coût de ces travaux à 800 000 $, croit que le gouvernement devrait aider financièrement toutes les résidences à se doter d'un système de gicleurs. «C'est sûr que dans une organisation comme la nôtre, on peut s'organiser, mais pour une petite résidence de 50, 75 personnes, ce n'est pas évident d'avoir un fonds de roulement pour absorber le coût.»

Des résidences en nombre suffisant?

D'ici 2031, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus devrait passer de 1 253 550 à 2 262 639, soit une augmentation de 80 %. L'offre de places en résidence répondra-t-elle à la demande? Oui, mais dans le privé, répond Claude Paré, président de Visavie, qui accompagne les personnes âgées dans leur recherche d'une résidence.

Pour le moment, du moins, l'offre et la demande sont plutôt équilibrées. Au Québec, on compte 2071 résidences et CHSLD dans le secteur privé, selon l'organisme. M. Paré indique que les loyers oscillent entre 900 et 1600 $ par mois. La situation n'est plus la même lorsque des soins de santé sont nécessaires. «Au privé, avec tout ce que cela implique en personnel soignant, en normes de construction, etc., ça fait en sorte que le propriétaire doit exiger des loyers de 3000 à 6000 $ au moins... Il manque clairement de résidences avec soins», dit-il.

Dans le public, il faut prévoir plusieurs mois d'attente pour obtenir une place dans les centres d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD).

- Annabelle Blais

Répartition du nombre de résidences privées en fonction du nombre de logements

De 3 à 49 logements : 1398 (67 %)

De 49 à 100 logements : 300 (14,5 %)

De 101 à 300 : 318 (15,4 %)

301 et plus : 55 (2,6 %)

Le revenu moyen d'une personne de 75 ans et plus est de 23 500 $

Source: Institut de la statistique du Québec