Forcés de respecter un décret ministériel sur les conditions de travail des employés d'entretien ménager, des dizaines de propriétaires de résidences privées pour aînés envisagent de fermer leurs portes. La situation est si criante, que Québec promet de corriger la loi, a appris La Presse.

Il y a 15 ans, le gouvernement a adopté un décret afin d'assurer de bonnes conditions de travail aux employés assurant l'entretien ménager des édifices publics, comme les centres commerciaux, les hôpitaux et les écoles. Le salaire de ces employés s'établit aujourd'hui entre 15,98$ et 16,41$ l'heure.

Pour s'assurer du respect du décret, le Comité paritaire de l'entretien d'édifices publics a été mis sur pied. Chaque année, cet organisme impose un certain nombre d'amendes aux établissements qui ne respectent pas le décret.

Les résidences privées pour aînés sont également soumises à cette réglementation. «Jusqu'en 2009, ce n'était pas dramatique. Parce que le Comité paritaire ne venait pas chez nous pour imposer des amendes. Mais maintenant, il vient. Et ça a des effets dévastateurs dans notre réseau», dit le président du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), Yves Desjardins.

Jusqu'à maintenant, les résidences privées pour aînés du Québec ont dû débourser plus de 500 000$ en amendes et en frais d'avocats pour régler leurs dossiers avec le Comité paritaire. «On n'est pas comme un centre commercial ou une école. On est une résidence privée!», plaide

M. Desjardins.

La directrice générale du Comité paritaire de l'entretien d'édifices publics, Christiane Bigras, explique au contraire que le décret s'applique dans les «espaces communs» des édifices privés, comme les salles à manger et les piscines des immeubles à copropriétés et des résidences privées pour aînés.

Équité salariale

En plus de devoir respecter le décret, les résidences privées pour aînés doivent aussi respecter l'équité salariale. «Donc dès que tu augmentes le salaire de tes employés d'entretien, tu dois augmenter tous les autres. Ça crée une pression financière énorme. Au bout du compte, ce sont les résidants qui payent», déplore M. Desjardins.

Mme Bigras dit comprendre la situation. «Mais il y a quelques années, les garderies se plaignaient elles aussi de devoir payer leurs employés d'entretien plus cher que les éducatrices. La société a avancé et adopté l'équité salariale. Dans certaines résidences privées pour aînés, la clientèle est aisée et peut payer pour les services ménagers», dit-elle.

Au cabinet de la ministre du Travail, Agnès Maltais, on souhaite plutôt que la situation change. Des discussions ont eu lieu au cours des derniers mois. L'attaché de presse de la ministre Maltais, Jean-Thomas Grantham, affirme même qu'un projet de modification du décret a été déposé en avril 2013. «Dans ce décret, les employés des résidences privées pour aînés sont exclus», dit-il.

M. Desjardins souhaite que les modifications soient rapidement apportées. Il mentionne que 60 résidences privées pour aînés ont fermé leurs portes au cours des six derniers mois, incapables d'assurer leur santé financière face aux différentes exigences du gouvernement. «C'est correct d'être rigoureux. Mais il faut aussi permettre au réseau d'opérer, dit-il. Avec toutes les autres règles, le dossier du décret devient impossible à supporter», dit-il.