Pas moins de 126 personnes ont perdu la vie dans les établissements du réseau de santé québécois à la suite d'accidents survenus lors de la prestation de soins et de services entre les mois d'avril et septembre derniers.

Il s'agit du nombre le plus élevé de décès jamais enregistré sur une période de six mois depuis que le gouvernement du Québec collige ces statistiques semestrielles sur les incidents et accidents dans le réseau de la santé, c'est-à dire depuis avril 2011.

Cependant, le nombre de décès se maintient au-dessus de 100 par six mois de manière constante depuis que ces données sont colligées, à l'exception du tout premier rapport, dont les données étaient en grande partie incomplètes.

«Il faudrait diminuer le nombre de décès, s'est insurgé le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet. Ce n'est pas normal, même si c'est à la marge, qu'il y ait autant de gens qui meurent dans le réseau de la santé, des gens admis à l'hôpital, qui est probablement le lieu par excellence - du moins en théorie - pour empêcher que l'on meure ou que notre état de santé s'aggrave.»

En tout, le dernier rapport semestriel fait état de 227 600 événements qualifiés d'indésirables, selon le vocable du ministère de la Santé et des Services sociaux.

«Ça ne me surprend pas parce que sur les milliards d'interventions qui sont faites dans le réseau de la santé, il y a un certain nombre d'incidents ou d'accidents qui vont survenir», a avoué le ministre de la Santé, Réjean Hébert.

«Ça me préoccupe toutefois, parce qu'il faudrait les réduire au minimum», a-t-il aussitôt ajouté.

Plus de la moitié des incidents (52,3 pour cent) concernent des personnes âgées et les deux tiers des incidents et accidents déclarés sont des chutes (33,6 pour cent) et des erreurs de médication (32,1 pour cent), une problématique qui est connue depuis longtemps.

«Il y a un groupe de vigilance qui travaille là-dessus, pour les deux types d'événements qui sont bien ciblés, les chutes - surtout chez les personnes âgées - et les erreurs de médication», a souligné le ministre Hébert.

Globalement, 84 pour cent de ces événements n'ont eu aucune conséquence sur les usagers tandis que 15,6 pour cent ont entraîné des conséquences temporaires. Les événements ayant causé des conséquences graves et permanentes (mais sans causer de décès) représentent 0,06 pour cent du total, soit 123 cas.

Le chiffre de 227 600 incidents représente, comme les décès, un nombre sans précédent, le total le plus près - soit 225 600 - étant survenu entre octobre 2011 et mars 2012. Cette période de l'automne-hiver 2011-2012 affiche également le deuxième plus haut taux de décès, soit 123.

Paul Brunet se demande maintenant combien de temps il faudra avant que les établissements tirent les leçons de ces données afin d'apporter des correctifs.

«Je saluerais chaleureusement un établissement, un CSSS (Centre de santé et de services sociaux) ou même une Agence (régionale de la santé) qui ferait le point publiquement sur les rapports qui existent depuis quelques années pour dire: voici les correctifs qu'on a apportés, voici les résultats que cela a donnés.»

M. Brunet souligne cependant le courage dont ont fait preuve les gouvernements successifs du Parti québécois, qui a obligé la divulgation des incidents et accidents en 2001, et du Parti libéral, qui en a obligé la diffusion publique en 2010.

«Les politiciens ne font pas toujours des choses extraordinaires, mais ça, c'est extraordinaire parce qu'enfin, on a usé de grande transparence, ce qui est tout à l'honneur des partis politiques qui se sont succédés avec toutes ces nouvelles obligations. Il a fallu du courage, c'était révolutionnaire et plusieurs administrations ne l'avaient pas trouvée drôle au départ», a rappelé M. Brunet.

Le ministre Hébert, de son côté, estime que le Québec a tout à gagner de cette transparence.

«C'est pour moi un gage de qualité: lorsqu'on sort d'une culture de cachette et que l'on passe à une culture d'ouverture, on est capable d'intervenir», a-t-il fait valoir.

Il note, cependant, que le rôle de pionnier présente un désavantage majeur, soit l'absence de point de comparaison.

«Ça pose un problème sur le plan de l'analyse. J'aimerais bien que d'autres provinces et d'autres pays aient la même stratégie de déclaration des incidents/accidents pour qu'on puisse (...) sortir ailleurs également de cette culture du secret dans laquelle nous étions au Québec afin de pouvoir échanger sur les bonnes pratiques préventives», a dit le ministre.