Tension et méfiance: le plus gros hôpital du Québec est géré dans l'improvisation, son conseil d'administration est tenu dans l'ignorance et son directeur général Christian Paire, relevé de ses fonctions avec solde, hier, est la plupart du temps physiquement absent, constatent deux experts mandatés par le gouvernement pour vérifier la bonne gestion du Centre hospitalier universitaire de Montréal.

Dans leur rapport intermédiaire, obtenu par LaPresse, les «accompagnateurs» nommés par le ministère de la Santé, François Latreille et Me Denis Paré, constatent qu'il y a «des tensions évidentes au sein du présent conseil d'administration, que le lien de confiance de certains membres du C.A. envers la présidence est douteux et qu'il existe un climat de méfiance assez généralisé».

Dans un entretien, hier, le président du conseil, Alain Cousineau, a néanmoins soutenu qu'il n'avait nullement l'intention de quitter son poste avant la fin de son mandat - il a été nommé en février 2012, pour quatre ans.

Selon les informations obtenues par LaPresse, un nouveau coup de balai sera donné dans la haute direction du CHUM avant les Fêtes. En janvier, Québec fera appel à des chasseurs de têtes pour trouver un remplaçant à M. Paire.

Le vérificateur général a ciblé la semaine dernière plusieurs postes de hors-cadres et de cadres supérieurs créés au CHUM sans l'approbation du Ministère, les candidats ayant été choisis sans concours de recrutement. Par la suite, Québec s'attaquera au conseil d'administration, source de bien des problèmes au CHUM, si l'on en croit le rapport de MM. Paré et Latreille, respectivement président du conseil de l'Agence de santé de l'Estrie et directeur des finances du CHUQ, à Québec.

Dans leur rapport de sept pages, transmis lundi au ministre, les deux experts déplorent que les membres du C.A. n'aient souvent pas la chance de s'informer avant les réunions pour prendre des décisions éclairées. Il n'est pas rare de lire aux procès-verbaux «document déposé séance tenante», constatent les deux experts. Les membres du CA n'ont pas une connaissance adéquate des règles du réseau de la santé. Des primes jugées normales dans le secteur privé devraient être abordées «avec prudence» dans le secteur public.

Les observations du vérificateur général sur les salaires des cadres accordés au CHUM «ont surpris bon nombre des membres du C.A. par leur ampleur», constatent les «accompagnateurs».

Un directeur général absent

Au passage, Christian Paire, le directeur général en prend aussi pour son rhume. Au comité des ressources humaines et au comité de vérification, on ne le voyait guère. Ses «absences assez fréquentes [...] ne concordent pas avec l'importance que ce dernier devrait y accorder».

Lors de discussions avec les cadres, les deux experts se sont fait dire que la direction générale «décidait peu, que le leadership était absent ou défaillant et que même la présence physique du directeur général était minimaliste».

En point de presse, hier, le ministre de la Santé Réjean Hébert n'a pas été tendre à l'endroit de la direction de l'établissement. Il estime que le C.A. a été négligent en oubliant de prévenir le directeur général Christian Paire que son contrat n'était renouvelé que pour un an. M. Paire estimait que son contrat avait été renouvelé pour quatre ans, et non pas une seule année, parce que les avis nécessaires ne lui avaient pas été transmis.

Le ministre Hébert concède que le C.A. avait «négligé» de transmettre officiellement l'information au DG, même si on lui avait assuré que ce préavis avait été transmis selon les règles. «J'ai appris que cela n'avait pas été fait. Cela ajoute aux problèmes de fonctionnement du conseil d'administration», a constaté M. Hébert.

Aux yeux du ministre, en dépit des attentes signifiées la semaine dernière, le conseil d'administration est demeuré muet sur les problèmes constatés à la haute direction. Les lacunes du CHUM signalées par le vérificateur général allaient bien au-delà du salaire excédentaire versé à M. Paire. Le vérificateur dénonçait «la nomination et la rémunération de cadres supérieurs, qui totalise 750 000$. Ce n'est pas rien. Il y a aussi les contrats gré à gré [sans appels d'offres publics] pour les services professionnels, ce qui contrevient aux règles, un laxisme dans l'approbation de frais de déplacement et d'hébergement. Il y a eu aussi un problème de transparence de la part de l'équipe de direction face au conseil d'administration», de relever M. Hébert.