Trois nouveaux établissements de santé de la province veulent confier la gestion de leurs inventaires de fournitures médicales à une entreprise privée, a appris La Presse. Une situation qui inquiète les acteurs du milieu, qui craignent plus que jamais l'installation d'un monopole dans ce secteur.

En effet, depuis deux ans, cinq hôpitaux du Québec ont cédé la gestion de leurs inventaires à une entreprise externe. Chaque fois, c'est la multinationale américaine Cardinal Health qui a obtenu le contrat.

Dernièrement, les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) du Nord de Lanaudière et d'Argenteuil, ainsi que l'Hôpital général juif ont à leur tour annoncé vouloir céder la gestion de leurs inventaires. En résumé, les établissements veulent se départir des «magasins» et confier la gestion de leur matériel médical - comme les gants, les seringues et le savon - à un distributeur externe.

Pascale Gagné, directrice des ressources financières et des approvisionnements au CSSS du Nord de Lanaudière, explique que la décision permettra de libérer des espaces qui permettront dorénavant d'optimiser un autre service.

Mais des fournisseurs et des distributeurs qui ont pris contact avec La Presse s'inquiètent de voir de plus en plus d'hôpitaux confier leurs inventaires au privé. Plusieurs estiment «qu'une seule compagnie pourra soumissionner» à ces nouveaux projets.

«Pour l'instant, un seul joueur a les reins assez solides pour répondre à ces contrats. Et si on laisse un monopole s'installer, ça peut devenir très dangereux», estime un distributeur.

«Si tous les établissements de santé font de même, ça va faire comme avec les routes: des compagnies externes vont gérer et dicter les prix. C'est dangereux. Je ne comprends pas que le ministère de la Santé laisse faire ça», estime le président d'une autre entreprise de distribution.

Pascale Gagné est quant à elle convaincue que plus d'une entreprise déposera des soumissions à son appel d'offres. «Si on ne pensait pas qu'il y avait de la compétition, on ne ferait pas d'appel d'offres», dit-elle.

Déjà, cinq établissements de santé du Québec ont cédé la gestion de leurs inventaires à Cardinal Health. Le CSSS de Montmagny-L'Islet a accordé son contrat en gré à gré de 38 000$ pour deux ans en 2012. «Le contrat vient à échéance en 2014. On ira en appel d'offres après», indique la porte-parole du CSSS de Montmagny-L'Islet, Mireille Gaudreau.

Peu après, le CSSS de la Vieille-Capitale a confié son dossier de distribution à Cardinal Health à la suite d'un appel d'offres sur invitation. Puis, en 2012, le CSSS d'Argenteuil a aussi confié son inventaire à Cardinal Health de gré à gré. «Lorsque que nous avons analysé le projet, le seul fournisseur au Québec qui détenait l'expertise dans ce service était Cardinal Health Canada», explique la porte-parole de l'établissement, Suzanne Séguin. Le CSSS a signé un contrat d'un an seulement et va aujourd'hui en appel d'offres, conjointement avec le CSSS du Nord de Lanaudière.

Contrat dénoncé

Mais de tous les contrats remportés par Cardinal Health, c'est celui du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) et du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) qui ont le plus fait jaser. En avril, Cardinal Health a obtenu le contrat d'approvisionnement du futur CHUM et du nouveau CUSM pour 38,9 millions. À l'époque, différents acteurs avaient dénoncé le fait que Cardinal Health était le seul soumissionnaire en ligne, l'autre soumissionnaire ayant été jugé non conforme.

La firme Cardinal Health n'a pas rappelé La Presse.

Au ministère de la Santé, on «est au fait que cette pratique a cours dans le réseau». «Il s'agit d'un des systèmes mis de l'avant pour améliorer la gestion logistique des stocks dans les établissements», explique la porte-parole du Ministère, Stéphanie Ménard. Selon Mme Ménard, le Ministère n'a «pas de crainte sur cette façon de faire, pour autant que le cadre légal soit respecté dans le processus d'appel d'offres».