La santé et l'espérance de vie de quelque 5000 Canadiens sont directement touchées par la lenteur de Santé Canada et des provinces à approuver certains médicaments contre le cancer, révèle une étude que La Presse a obtenue.

Après s'être penché l'an dernier sur l'écart entre le Canada et les États-Unis concernant les délais d'approbation de nouveaux médicaments contre le cancer, l'Institut Fraser étudie maintenant l'impact que ces délais entraînent.

L'étude intitulée Potential Patients Impacted by Delayed Access to Five Oncology Drugs in Canada indique que la lenteur du processus d'approbation des nouveaux médicaments, tant en ce qui concerne la réglementation que le remboursement, pourrait nuire à l'état de santé de plus de 5000 Canadiens.

1696 années-patients

Cinq nouveaux médicaments sortis sur le marché de 2003 à 2011 ont été évalués: Avastin, Halaven, Jevtana, Tarceva et Torisel.

Si les patients y avaient eu accès, ils auraient pu gagner jusqu'à 1696 années-patients, avance l'étude. Une prolongation de vie qui pourrait représenter entre 339,2 et 559,6 millions de dollars.

«C'est une estimation. Il est très difficile d'évaluer le coût d'une vie. [...] Mais c'est clair qu'il y a beaucoup de personnes atteintes d'un cancer qui peuvent être touchées», explique Nigel Rawson, fellow senior à l'Institut Fraser et co-auteur de l'étude.

Des délais importants existent pour l'approbation initiale par Santé Canada, puis en ce qui a trait au remboursement du médicament par chacune des provinces.

Les chercheurs ont constaté que le délai d'approbation au Canada nécessitait de 205 à 591 jours de plus qu'aux États-Unis, selon le médicament.

De plus, seuls l'Avastin, le Tarceva et le Torisel ont bénéficié d'un processus d'évaluation et d'approbation prioritaire au Canada, alors qu'aux États-Unis, les cinq médicaments avaient bénéficié de ce processus accéléré.

L'étude de l'Institut Fraser démontre aussi que les gens atteints d'un cancer n'ont pas le même accès aux médicaments selon la province où ils résident.

Certaines provinces acceptent de les rembourser alors que d'autres le refusent. De trois ans et demi à quatre ans et demi peuvent s'écouler avant qu'un médicament soit approuvé et remboursé dans toutes les provinces.

«Il existe une iniquité dans le fait que certaines provinces approuvent un médicament plus rapidement que d'autres», constate M. Rawson.

À la fin du mois de juin 2013, Tarceva et Avastin étaient remboursés dans toutes les provinces, mais à certaines conditions variant de l'une à l'autre. Torisel était remboursé dans neuf provinces, tandis que Jevtana était remboursé dans trois provinces et Halaven dans une seule.

M. Rawson propose la mise en place d'un mécanisme qui ferait en sorte que lorsqu'une province a terminé son évaluation et approuve le remboursement d'un médicament, les autres aient accès à cette analyse pour l'autoriser à leur tour.

Un processus complexe à mettre en place puisque chaque province possède sa propre expertise. Au Québec, c'est l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux (INESSS) qui est chargé d'étudier les coûts-bénéfices et la valeur thérapeutique d'un nouveau médicament, avant de faire une recommandation au ministre.

L'étude de l'Institut Fraser est publiée alors que la Coalition Priorité Cancer a souvent dénoncé publiquement la difficulté pour certaines personnes atteintes d'un cancer d'avoir accès à des médicaments novateurs.