Après des mois de pression des groupes sociaux, le gouvernement Marois haussera finalement le montant des chèques des bénéficiaires de l'aide sociale vivant seuls, qui devaient se contenter jusqu'ici de 604 $ par mois. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale Agnès Maltais annoncera cet après-midi que les chèques de 60 000 bénéficiaires augmenteront de 20 $ par mois dès le 1er février 2014.

Pendant trois ans, jusqu'au début de 2017, le chèque mensuel de ces personnes vivant seules augmentera. On atteindra une hausse de 50 $ au terme de l'échéance de trois ans - l'horizon qu'on a adopté pour toutes les annonces récentes du gouvernement Marois. L'annonce de la ministre Maltais sur la « solidarité » s'inscrit dans une série de décisions dévoilées au cours des dernières semaines - autant d'annonces pour « briser le cercle de la pauvreté ». Cette série d'annonces avait débuté par la politique économique de Nicolas Marceau, et une dernière annonce est attendue le 1er novembre - environ 300 millions pour promouvoir les automobiles électriques.

Jusqu'ici, les groupes sociaux exigeaient que Québec augmente la prestation mensuelle de toutes les personnes vivant seules et n'ayant pas de contraintes à l'emploi, soit plus de 85 000 bénéficiaires. Québec a préféré concentrer l'argent vers ceux qui en ont davantage besoin, a expliqué une source au ministère de Mme Maltais. Une partie de ces bénéficiaires habite un logement subventionné, un HLM, ce qui lui permet de dépenser moins de 25 % de ses revenus pour se loger, soit la norme généralement acceptée.

Cette mesure coûtera 71,4 millions au cours des quatre prochaines années (2,4 millions en 2013-2014 et jusqu'à 29,7 millions en 2016-2017). Au total, Québec annoncera de nouvelles initiatives qui représentent une facture de 318 millions pour les quatre prochaines années. De cette somme, 74 millions sont déjà provisionnés.

Québec haussera également le financement des quelque 5000 organismes communautaires autonomes. La bonification sera de 54 millions par année à compter de 2014-2015. Là encore, le gouvernement Marois tente de calmer la grogne : les 3000 organismes communautaires oeuvrant dans le secteur de la santé et des services sociaux sont en campagne depuis plusieurs mois pour demander à Québec de résorber un « sous-financement chronique » qu'ils estiment à 225 millions annuellement. Ils avaient d'ailleurs condamné le budget Marceau, qui ne leur donnait pas un sou de plus. En 2012, Québec a versé environ 880 millions aux 5000 organismes communautaires. Ils emploient près de 160 000 personnes.

Faux départ

La mesure pour les personnes seules fera oublier le faux départ de la fin du mois de mai. Tout le monde s'attendait à une décision sur les personnes vivant seules, mais Mme Maltais avait reporté la décision à l'automne. Déjà, la ministre avait expliqué « qu'au lieu de procéder par pièces, on a décidé de procéder tous ensemble à la rentrée ».

Agnès Maltais a une côte importante à remonter pour obtenir l'adhésion de cette clientèle. Le printemps dernier, tout en dénonçant les coupes fédérales à l'assurance-emploi, la ministre avait discrètement appliqué des compressions de 19 millions. Par exemple, on faisait passer de 55 à 58 ans l'âge à partir duquel on reconnaissait automatiquement à un prestataire une « contrainte » à l'emploi, et on appliquait une réduction de 129 $ par mois pour les futurs bénéficiaires. Ces compressions s'étaient attiré les foudres du Protecteur du citoyen et de la Commission des droits de la personne.

Pour Amélie Châteauneuf, du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, Mme Maltais avait parlé d'une augmentation « substantielle, progressive et importante » pour les prestataires vivant seuls. « Importante, c'est certain qu'on ne parle pas de 10 ou 20 $ par mois. Ce n'est pas 20 $ qui permettraient de vivre, cela ne fait pas même 1 $ par jour », observe-t-elle.

Les bénéficiaires ne parviendront pas à se loger et à se nourrir à ce compte, insiste-t-elle. « Mme Maltais a dit elle-même que les banques alimentaires ne répondent plus à la demande. On a fait des conférences de presse avec des gens qui ont dû manger de la nourriture pour chats... Qui ont été malades après avoir été forcés de jeûner », indique Mme Châteauneuf, dont l'organisme chapeaute 32 organismes locaux d'aide aux bénéficiaires de l'aide sociale.

« Le coeur de nos demandes portait aussi sur l'arrêt du détournement des pensions alimentaires pour enfant - à l'exception du premier 100 $ par mois, le chèque des bénéficiaires de l'aide sociale est réduit du montant de ces pensions. Le PQ avait promis d'intervenir », rappelle-t-elle.

Le regroupement demande aussi la fin des catégories. Les gens sont en effet classifiés aptes ou inaptes, « ce qui crée beaucoup d'injustice ». « Nous, on demande que tout le monde ait 918 $ par personne », rappelle Mme Châteauneuf.

 

Évolution du chèque des prestataires

Le chèque d'aide sociale de 60 000 personnes vivant seules s'élève à 604 $ par mois à l'heure actuelle. Il augmenta graduellement pour atteindre 654 $ par mois, le 1er janvier 2017.

>1er février 2014  : Hausse de 20 $ par mois

>1er janvier 2015  : Hausse supplémentaire de 10 $

>1er janvier 2016  : Hausse supplémentaire de 10 $

>1er janvier 2017  : Hausse supplémentaire de 10 $

Quelques mesures annoncées concernant la solidarité

>Hausse du financement des organismes communautaires :  162 millions

>Bonification des prestations d'aide sociale des personnes seules :  71,4 millions

>Nouveau programme d'acquisition et de rénovation d'immeubles à vocation collective :  10,2 millions

>Bonification du soutien à l'intégration pour les enfants handicapés dans les services de garde :  6 millions

>Hausse des services des haltes-garderies communautaires :  2,9 millions

Note : Les montants représentent le total des coûts de chacune des mesures entre 2013-2014 et 2016-2017

ÉCOLES SECONDAIRES ET SCRS

Deux erreurs se sont glissées dans notre numéro d'hier. Dans notre dossier sur les écoles secondaires, nous avons écrit qu'il y a 88 394 élèves au secondaire au Québec. Cela représente plutôt le nombre d'élèves qui fréquentent les écoles secondaires privées, soit 20 % du nombre total d'élèves au secondaire. 

Par ailleurs, le budget du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) est de 515 millions, et non pas 515 milliards, comme l'a indiqué la capsule accompagnant notre texte « Un Montréalais à la tête des espions canadiens ».