Une ordonnance collective destinée aux personnes souffrant de problèmes gastriques et de troubles digestifs a été modifiée, à l'insu du ministère de la Santé, pour favoriser la vente d'un médicament en particulier, le Dexilant.

La Presse a appris que le ministère de la Santé vient d'envoyer une mise en demeure à la pharmaceutique Takeda, qui fabrique le médicament et qui est établie en Ontario.

La consommation de médicaments de la classe des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) ne cesse de monter en flèche. Ces médicaments sont prescrits aux personnes souffrant de problèmes gastriques, de brûlures d'estomac ou de troubles gastriques.

Pour tenter de contrôler les coûts, le Ministère a fixé à 0,55$ le prix maximal remboursé par comprimé par le régime public d'assurance médicaments. Cette décision est en vigueur depuis le 1er octobre.

Les patients dont le médicament dépasse ce prix maximal et qui ne veulent pas payer la différence peuvent demander à leurs médecins de remplir une ordonnance collective.

Le formulaire d'ordonnance collective, avec l'entête du ministère de la Santé, autorise ainsi le pharmacien qui le reçoit à substituer un médicament moins cher au médicament prescrit. Dans la classe des médicaments pour les problèmes gastriques, il existe quelques génériques et un novateur, le Dexilant, dans la gamme de prix remboursé par Québec.

Or, le ministère de la Santé a découvert que, dans plusieurs régions du Québec, l'ordonnance collective a été modifiée à son insu, mais porte toujours l'entête du Ministère. Le document indique précisément de remplacer le médicament par le Dexilant, fabriqué par Takeda.

Le Ministère a envoyé au cours des derniers jours une mise en garde aux différents ordres professionnels.

L'Ordre des pharmaciens a, à son tour, fait parvenir une note interne à tous ses pharmaciens pour les mettre en garde, une note dont La Presse a obtenu copie.

«Cette modification du modèle n'a pas été autorisée par le Ministère. Le Ministère dénonce cette utilisation du modèle ministériel et prend actuellement des mesures pour cesser cette pratique», peut-on lire dans la note distribuée aux pharmaciens.

«Le but des ordonnances collectives a une visée thérapeutique et non une visée commerciale. Elles ne peuvent donc en aucun cas favoriser le médicament d'une compagnie», explique Ariane Lareau, attachée de presse du ministre de la Santé, Réjean Hébert, en rappelant qu'il est interdit de modifier une ordonnance collective.

«Devant cette situation intolérable», le Ministère a envoyé une mise en demeure à la pharmaceutique Takeda, confirme Mme Lareau.

Puisque les ordonnances collectives doivent être signées par des médecins, le Collège des médecins tente également de faire la lumière sur la situation, afin de déterminer si des médecins ont subi des pressions de la part de représentants pharmaceutiques.

Deux scénarios sont possibles, indique le président et directeur général du Collège, le Dr Charles Bernard. «Soit il y a quelqu'un qui fait de la pression pour que ce médicament soit prescrit et que certains médecins ont cédé à cela, ce que j'ignore totalement, soit que ce sont des initiatives personnelles parce que des médecins trouvent que ce médicament est meilleur que d'autres génériques.»

Takeda n'a pas voulu faire de commentaires.