Les producteurs de porcs du Québec «accueillent favorablement» l'intention de Santé Canada d'interdire graduellement l'utilisation d'antibiotiques pour stimuler la croissance des animaux... si leurs compétiteurs y renoncent aussi.

«Nous croyons que les mêmes règles doivent s'appliquer à tous les producteurs de porcs, puisque nous évoluons dans un marché très compétitif, a dit hier Gaëlle Leruste, conseillère aux communications de la Fédération des producteurs de porcs du Québec. Si l'ensemble des producteurs de porcs a l'obligation de ne plus utiliser de facteurs de croissance, l'avantage économique de les utiliser disparaîtra.»

Fait intéressant, «la Food and Drug Administration (FDA) envisage de prendre la même mesure aux États-Unis», a indiqué Mme Leruste.

«Il est rassurant d'enfin apprendre que le gouvernement a l'intention d'interdire les antibiotiques comme facteurs de croissance, a lancé Élise Desaulniers, auteure de Je mange avec ma tête. Il reste maintenant à attendre qu'un échéancier soit confirmé.» Aucune date limite d'utilisation des promoteurs de croissance n'a encore été fixée par Ottawa, qui travaille de concert avec les entreprises pharmaceutiques pour planifier ce retrait.

«On va probablement invoquer des questions de coûts et de productivité pour maintenir cette pratique, a redouté Mme Desaulniers. Mais il faut aussi prendre en compte les coûts sociaux engendrés par la résistance aux antimicrobiens.» Cette facture est salée: elle atteint 55 milliards par an aux États-Unis, selon une étude récemment parue dans la revue médicale BMJ.

Animaux moins médicamentés?

Santé Canada estime que les animaux - qui consomment huit fois plus d'antibiotiques que les humains - seront moins médicamentés à la suite de cette annonce. «En supprimant les allégations liées à la stimulation de la croissance sur les étiquettes des antimicrobiens importants d'un point de vue médical [...], l'utilisation inutile et imprudente de ces médicaments chez les animaux devrait diminuer», a indiqué Leslie Meerburg, de Santé Canada.

Du même souffle, Santé Canada a précisé hier qu'on pourra toutefois continuer à administrer des antibiotiques qui ne sont pas utilisés en médecine humaine (des ionophores) pour stimuler la croissance du bétail et de la volaille.

Peu de changements pour les poulets

Dans l'élevage de poulets, le retrait des facteurs de croissance n'entraînera «pas de changements réels dans l'utilisation actuelle, sinon une pression accrue pour travailler avec des stratégies différentes», a estimé Martine Boulianne, titulaire de la chaire en recherche avicole à la faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal.

Des stimulateurs de croissance sont donnés aux poulets «très rarement, voire quasi jamais», selon Mme Boulianne. C'est l'usage d'antibiotiques pour prévenir les maladies qui est largement répandu - 99% des poulets du Québec en reçoivent de petites doses dans leur moulée.

«La filière va poursuivre ses efforts afin de diminuer l'utilisation des antibiotiques dans les élevages de poulets de chair», a assuré Christian Dauth, directeur du marketing des Éleveurs de volailles du Québec.

«Produire avec des antibiotiques ne devrait pas être une option: produire du poulet pas cher nous coûte trop cher, a souligné Mme Desaulniers. Tant que nous ne serons pas prêts à payer pour le vrai prix des aliments qu'on mange, le problème va perdurer.»

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Les antibiotiques désormais bannis

Cinq antibiotiques ne pourront plus être donnés aux animaux pour stimuler leur croissance: pénicilline, tylosine, virginiamycine, bacitracine et tétracyclines. Tous sont de «haute importance» ou d'«importance moyenne» pour soigner les infections chez les humains.