Plusieurs bactéries prélevées chez des poulets, boeufs et porcs vivant au Québec sont de plus en plus résistantes à des antibiotiques cruciaux en santé humaine, selon un bilan du ministère de l'Agriculture (MAPAQ).

Une «tendance à la hausse significative» de la résistance au ceftiofur -un antibiotique de très grande importance en médecine humaine- est observée pour les E. coli d'origine avicole et d'origine porcine. Plus du quart (27%) des isolats de volaille n'y réagissaient plus en 2011, contre 18% l'année précédente. Chez les isolats de porcs, la résistance a bondi de 10% à 22% en un an.

Observée depuis 1999, «cette tendance à la hausse continue d'année en année», précise en entrevue Dre Marie Nadeau, directrice du Programme québécois de surveillance de la résistance aux agents antimicrobiens des bactéries d'origine animale.

C'est inquiétant, parce que «le ceftiofur est une céphalosporine de troisième génération, apparentée à un autre antibiotique qu'on trouve chez les humains, le ceftriaxone», explique Dre Nadeau. Les médecins y ont recours pour lutter contre des infections sévères et invasives; les traitements de rechange sont limités.

Incroyable mais vrai, ce précieux antibiotique «est donné à titre préventif aux volailles, dans les oeufs (in ovo) ou à un jour d'âge des oiseaux, pour prévenir l'entérite nécrotique», indique Dre Nadeau. Or, il n'est même pas homologué pour être utilisé chez les volailles. Explication: les vétérinaires ont le droit, au Canada, d'utiliser des médicaments en dérogation des directives de l'étiquette, ce que plusieurs font.

Interdire le ceftiofur?

Devant les craintes soulevées par cet usage, les propriétaires de couvoirs de poulets du Québec ont volontairement cessé d'utiliser du ceftiofur en 2005-2006, rapporte l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Les résultats ont été probants: la résistance a chuté de 65% à 7% dans les isolats de chair de poulet et de 31% à 8% dans les isolats humains. Le ceftiofur a ensuite été réintroduit, ce qui a été suivi par une remontée de la résistance.

Québec va-t-il interdire cet usage du ceftiofur, comme l'ont fait les États-Unis? «On réfléchit, répond Dr Michel Major, vétérinaire en chef du ministère de l'Agriculture du Québec (MAPAQ). Théoriquement, on a des pouvoirs habilitants qui nous permettent d'interdire certaines utilisations. Le problème, c'est si une province procède unilatéralement, mais que l'usage continue ailleurs au Canada, la portée de ce geste dans la lutte à l'antibiorésistance n'est pas la même.»

Salmonelles plus résistantes

Autre préoccupation: les salmonelles des volailles, porcs et boeufs sont de plus en plus résistantes à plusieurs antibiotiques à la fois. La moitié des salmonelles originaires des porcs et bovins résistent à au moins quatre classes d'antimicrobiens. Ces bactéries - et leurs gènes de résistance - peuvent se transmettre facilement de l'animal à l'humain, en consommant de la viande contaminée ou par contact direct avec les bêtes.

La résistance à l'enrofloxacine - un autre antimicrobien de très grande importance en santé humaine - chez les E. coli des bovins connaît aussi une «tendance à la hausse significative» au Québec, depuis 2006. Homologué pour traiter les problèmes respiratoires des bovins, ce médicament est aussi apparenté à un antibiotique crucial donné aux humains, la ciprofloxacine.

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En chiffres

Salmonelles multirésistantes

- 28% des salmonelles originaires des volailles sont résistantes à au moins deux classes d'antibiotiques.

- 51% des salmonelles originaires des bovins sont résistantes à au moins quatre classes d'antibiotiques.

- 50% des salmonelles originaires des porcs sont résistantes à au moins quatre classes d'antibiotiques.

Source: Surveillance de l'antibiorésistance, rapport annuel 2011, Direction générale de la santé animale et de l'inspection des aliments, MAPAQ.