Depuis à peine trois mois, huit infirmières ont été condamnées pour avoir volé des narcotiques dans des hôpitaux ou des centres d'hébergement et de soins de longue durée en falsifiant des documents ou en disant que les substances étaient destinées à des malades même si c'était faux. C'est presque autant de condamnations du genre que pour l'année 2010 au complet.

Au début du mois de janvier, une infirmière a écopé d'une très lourde peine de près de 10 ans de radiation pour avoir subtilisé et consommé des drogues injectables, dont de la morphine, durant ses heures de garde. Elle était fatiguée, a-t-elle dit à son ordre professionnel, à cause des heures supplémentaires.

Un collègue a reçu trois fois neuf mois de suspension ainsi qu'une interdiction de manipuler des narcotiques à son retour au travail pour avoir volé des médicaments en inscrivant de fausses informations dans le système automatisé de distribution de l'hôpital Pierre-Boucher. L'homme de 31 ans a invoqué des problèmes familiaux et une dépendance à la drogue durant son adolescence pour expliquer ses crimes. Le Comité de discipline n'a pas été attendri.

«Ces infractions ternissent l'image de la profession et vont à l'encontre d'une valeur fondamentale de la profession, soit promouvoir la santé», lit-on dans le jugement.

À ces deux cas s'ajoutent six autres décisions concernant des vols de narcotiques par des infirmières depuis janvier au Québec, contre 22 pour toute l'année 2012 - dont 8 dans les six premiers mois -, 12 pour l'année 2010 et 6 en 2008.

Inquiétant

«Ce sont des dossiers inquiétants», admetJoanne Létourneau, syndic adjointe de l'Ordre des infirmières. «C'est une problématique pour laquelle on est très vigilant. On s'attend à ce que nos infirmières travaillent sans être sous l'influence de drogue», dit-elle.

Selon Mme Létourneau, c'est toutefois le fruit du hasard si autant de décisions concernant les problèmes de drogue sont tombées en même temps au cours des derniers mois.

Les infractions concernées dans les huit décisions de 2013 se sont produites de 2008 à 2012.

Chaque année, de 35 à 40% des plaintes reçues par l'Ordre sont liées à des problématiques de dépendance ou de toxicomanie.

Le nombre total de plaintes est en hausse. Il est passé de 25 il y a cinq ans à 33 en 2011-2012.

Voici quelques exemples de cas soumis au syndic de l'Ordre des infirmières.

Droguée au travail

Sonia Nero n'attendait même pas d'être à la maison avant de consommer les médicaments qu'elle volait aux urgences de l'hôpital. Il lui est arrivé de travailler auprès des malades parmi les plus vulnérables pendant qu'elle était sous l'influence de substance pouvant produire l'ivresse, l'affaiblissement ou même l'inconscience, a découvert son ordre professionnel. Elle aurait aussi privé des patients qui souffraient physiquement de leurs médicaments en se les appropriant. L'infirmière de 20 ans d'expérience a finalement été dénoncée par des collègues. Elle est radiée pour deux ans.

Sur le dos des patients

Pour mettre la main sur les médicaments auxquels il était accro, Simon Langlois, infirmier à l'hôpital de l'Enfant-Jésus de Québec, avait l'habitude de les sortir de la pharmacie au nom de ses patients. Sa patronne a découvert le stratagème parce que des malades dont le traitement était terminé recevaient encore, selon les registres, des narcotiques dont ils n'avaient plus besoin. M. Langlois les consommait une fois chez lui.

Confronté par sa supérieure, il a tout avoué et démissionné sur-le-champ. L'Ordre des infirmières le radie pour six mois. Il ne pourra pas manipuler de narcotiques durant la première année suivant son retour au travail.

De fausses ordonnances

Durant deux ans, Michel Viens, infirmier dans un CLSC de Montréal, a volé des médicaments chez les patients qu'il soignait à domicile. Il allait même chez les malades en dehors de ses heures de travail pour refaire ses stocks. Une victime a témoigné contre lui. Elle a dit avoir souffert du vol de ses médicaments, mais qu'à l'époque, elle a soupçonné tout le monde sauf M. Viens, qu'elle considérait comme son fils. L'homme a aussi fabriqué de fausses ordonnances au nom d'un médecin qu'il connaissait afin de mettre la main sur des narcotiques à la pharmacie.