Le gouvernement du Québec entend imposer un nouveau tour de vis financier aux fabricants de médicaments génériques, qui menacent en contrepartie d'interrompre la production de certains produits dont la rentabilité serait ainsi compromise.

La baisse à venir du taux de remboursement prévu dans le cadre du régime d'assurance public, qui s'inspire d'une récente décision de l'Alberta, a été confirmée par le cabinet du ministre de la Santé, Réjean Hébert.

«C'est certain que ça va avoir un impact sur l'approvisionnement de certains produits», prévient Daniel Charron, directeur pour le Québec de l'Association canadienne du médicament générique (ACGM).

Il est encore trop tôt pour déterminer l'impact précis des changements à venir, note le porte-parole, qui s'attend à ce que chaque entreprise passe en revue les médicaments offerts pour analyser leur rentabilité à la lumière du nouveau taux.

Le gouvernement albertain a annoncé dans son dernier budget qu'il entendait réduire, à compter du 1er mai, le taux de remboursement des médicaments génériques de 35% à 18% du coût du médicament d'origine breveté.

La Loi sur l'assurance médicaments du Québec précise que le prix demandé par les fabricants dans le cadre du régime public ne doit pas être supérieur à tout prix de vente consenti «en vertu des autres programmes provinciaux d'assurance de médicaments».

«Les fabricants ont l'obligation réglementaire d'offrir le meilleur prix en vertu du règlement sur la reconnaissance des grossistes et des fabricants. Donc, s'il y a baisse de prix [en Alberta], le Québec va en bénéficier», a déclaré dans un courriel Ariane Lareau, porte-parole du ministre Hébert.

Elle assure que la baisse s'appliquera «le plus rapidement possible» après que l'Alberta aura mis sa diminution en vigueur.

Colère des fabricants

Le gouvernement québécois a déjà suscité l'ire des fabricants de produits génériques, en 2010, en annonçant sa décision de réduire le taux de remboursement de 54% à 25% du coût des médicaments d'origine, pour emboîter le pas à l'Ontario. La mesure devait permettre au gouvernement d'économiser 164 millions par année.

Pharmascience, qui emploie 1300 personnes au Québec, avait alors menacé de réévaluer ses investissements et ses effectifs dans la province.

La baisse à venir du taux à 18% est «dangereuse et représente une menace réelle quant à notre capacité comme industrie à continuer d'assurer le développement, la production et l'approvisionnement de médicaments au pays», prévient Pierre Gaudreault, directeur de la division générique de l'entreprise.

Olivier Saint-Denis, vice-président exécutif de Laboratoire Riva, un autre fabricant de médicaments génériques établi au Québec, maintient aussi que certains produits devront être «discontinués» avec la baisse projetée du taux de remboursement.

Avec ces nouvelles réductions, «il est clair que l'industrie du médicament générique au Québec ne s'en va nulle part», affirme-t-il.

À l'instar de l'ACGM, il estime que le gouvernement gagnerait à favoriser un usage accru des produits génériques plutôt que les molécules d'origine.

Une mesure en ce sens a déjà été prise en début d'année, avec l'entrée en vigueur de l'abolition de la règle protégeant les brevets d'origine pour une période de 15 ans. Une soixantaine de médicaments additionnels sont remboursés depuis par le régime public au prix de la version générique.

La baisse du taux de remboursement des médicaments génériques à 18% inquiète aussi les pharmaciens de la province, qui craignent une diminution de leurs revenus.

Jean Thiffault, président de l'Association des pharmaciens propriétaires du Québec, note que les fabricants versent aux pharmaciens une allocation professionnelle en fonction des ventes.

Avec la baisse du taux de remboursement mise en branle en 2010, «les pharmaciens ont perdu 100 millions de dollars d'allocations sur une période de trois ans», note M. Thiffault. Il presse Québec de consulter les acteurs du milieu avant de procéder à une nouvelle diminution du taux de remboursement.

Source: Association canadienne du médicament générique. Données de 2011