La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) est montrée du doigt par la famille d'une victime québécoise de l'amiante qui lui reproche de vouloir empocher à sa place des paiements d'indemnisation provenant des États-Unis.

«Ils sont hypocrites. Ils profitent de l'innocence du monde pour s'approprier leurs droits et aller collecter de l'argent là-bas», accuse Solange Loiselle.

Le père de cette résidante de Saint-Damase, Ovila Loiselle, a travaillé pendant près de 30 ans dans une usine de Saint-Hyacinthe où il était exposé au produit cancérigène. À 80 ans, il présente aujourd'hui aux deux poumons des plaques pleurales qui sont liées à son expérience professionnelle.

Il y a quelques années, le travailleur a prêté assistance à un collègue qui souhaitait présenter une réclamation aux États-Unis contre des sociétés liées au secteur de l'amiante.

Plusieurs d'entre elles ont créé des fonds d'indemnisation pour répondre aux poursuites. Les requérants doivent démontrer qu'ils souffrent d'une maladie liée à l'amiante et qu'ils ont été exposés aux produits de la société concernée.

«Comme il aidait un collègue à le faire, nous avons décidé de procéder aussi pour lui», indique Mme Loiselle, qui a entrepris les démarches requises avec la firme d'avocats américaine Motley Rice, spécialisée dans ce type de dossier.

Le médecin traitant de M. Loiselle a parallèlement envoyé une demande d'indemnisation pour son patient à la CSST, qui lui a accordé 15 000$ l'année dernière.

L'organisation a fait parvenir au travailleur une lettre l'informant qu'elle avait «lancé des démarches en vue d'entreprendre des poursuites judiciaires auprès d'entreprises américaines ayant fabriqué et vendu des produits à base d'amiante».

Motley Rice a alors écarté la demande déjà reçue directement du travailleur parce que la CSST devenait la requérante dans son dossier aux États-Unis.

Le porte-parole de la CSST, Jacques Nadeau, note que les droits de réclamation des personnes indemnisées au Québec par l'organisation lui sont «automatiquement» subrogés. Elle peut ensuite demander dédommagement à un tiers, incluant aux États-Unis.

Mme Loiselle pense que l'argent provenant de fonds américains devrait aller directement aux victimes de l'amiante, qu'elles aient été indemnisées ou non au Québec. «Si la CSST était généreuse et versait des indemnisations conséquentes, ça aurait peut-être du sens qu'elle récupère l'argent là-bas, mais les sommes qu'elle verse sont dérisoires», dénonce-t-elle.

La fille d'Ovila Loiselle maintient par ailleurs qu'il n'a pas été informé adéquatement de la subrogation résultant de la reconnaissance de sa maladie professionnelle. M. Nadeau note que tous les travailleurs en sont informés par lettre et qu'une ligne d'information est mise à leur disposition. «C'est à la personne concernée de poser des questions», dit-il. Il précise que si l'indemnisation obtenue par la CSST auprès des fonds américains est supérieure à ce qu'elle a versé au travailleur, la différence lui sera remise.

La CSST a récupéré 4,2 millions de dollars l'année dernière par l'entremise des fonds d'indemnisation américains et prévoit récolter 6 millions de dollars cette année.