Faute de pouvoir obtenir une compensation pour leurs maux au Québec, des victimes de l'amiante se tournent vers les États-Unis.

Sandra Ohayon a utilisé cette voie sans trop y croire il y a quelques années après avoir survécu «par miracle» à un mésothéliome qui lui a coûté son poumon droit.

«C'est mon frère qui m'a appelée après avoir vu une annonce à ce sujet. J'étais très sceptique au début», relate en entrevue cette ancienne employée de l'Université de Montréal.

La femme de 60 ans a découvert par la suite avec surprise qu'elle s'était vue accorder une somme de 22 000 $ par une firme basée au Texas. «J'ai aussi reçu 5000 $ d'une autre entreprise», explique Mme Ohayon.

L'annonce à l'origine de cette surprenante manne avait été diffusée par un important cabinet d'avocats américain, Motley Rice, qui lance régulièrement des campagnes dans les médias pour identifier des victimes potentielles de l'amiante.

Ses représentants ciblent, au nom des victimes ainsi recrutées, des sociétés américaines ayant utilisé le matériel cancérigène dans leurs produits. Plusieurs d'entre elles ont aménagé des fonds d'indemnisation qui permettent de limiter la multiplication de recours longs et coûteux devant les tribunaux.

L'un des plus importants fonds est celui de la Johns Manville, qui fut l'un des acteurs-clés du développement de l'industrie de l'amiante en Amérique du Nord. Dans son plus récent bilan, l'organisation chargée de gérer le fonds relève qu'une somme totale de 4,3 milliards a été versée au fil des ans.

Un avocat participant à la gestion du fonds, Jared Garelick, souligne que les requérants doivent démontrer l'existence d'une maladie liée à l'amiante ainsi que leur exposition aux produits de la firme ciblée.

Le fonds traite les requêtes en provenance du Canada comme celles de ressortissants américains parce que la Johns Manville «avait des activités de grande envergure» dans le pays, explique M. Garelick.

L'avocat s'est dit incapable de préciser combien de Canadiens ou de Québécois avaient été indemnisés. «Je ne suis pas certain que je vous donnerais le chiffre si je l'avais», a-t-il précisé.

Selon lui, il existe plus d'une cinquantaine de fonds d'indemnisation liés à l'amiante aux États-Unis.

Dans le cas de Mme Ohayon, l'argent est venu d'un fonds mis en place par une entreprise appelée National Gypsum.

Une avocate de Motley Rice, Anne Kearse, en Caroline-du-Sud, a refusé d'aborder, pour des raisons de confidentialité, le dossier de la Québécoise. Elle a cependant expliqué qu'il fallait démontrer, pour obtenir une indemnisation, un lien entre la victime et les produits de la firme concernée.

«Nous avons constitué au fil des ans une liste de produits de firmes américaines ayant été vendus au Canada ainsi qu'une liste de lieux où ils ont été utilisés», explique-t-elle.

Mme Ohayon est convaincue qu'elle a été exposée à l'amiante au cours d'une période de 20 ans durant laquelle elle a travaillé à l'Université de Montréal, un établissement ayant réalisé d'importants travaux de désamiantage.

Son médecin traitant, certain qu'elle avait été victime du produit cancérigène, a écrit une lettre en ce sens à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) mais la demande d'indemnisation a été refusée.

«Ils m'ont dit, après plusieurs examens, que je n'avais pas de trace d'amiante dans mes tissus. Mais si c'est le cas, d'où est venu mon mésothéliome?», demande Mme Ohayon, qui avait renoncé, faute de moyens et de soutien, à porter sa cause en appel.

«Du côté américain, il semble que mon dossier est clair», souligne-t-elle.