Alors que les urgences des hôpitaux du Québec sont plus débordées que jamais, le couperet vient de tomber sur le seul hôpital communautaire francophone de l'ouest de l'île de Montréal, affilié au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Les médecins ont appris lundi, dans une note de service laconique, que la direction devra dans les prochains jours fermer 20% des quelque 50 lits de l'hôpital Saint-Joseph-de-Lachine. Ces 10 lits sont destinés aux patients en attente d'une place dans un autre établissement, principalement des personnes âgées.



Un coup dur


Cette décision portera un coup dur aux urgences, dont le taux d'occupation dépasse les 100% depuis une semaine. Selon nos sources, cette fermeture irrévocable est liée au mystérieux gouffre financier du CUSM, estimé à 115 millions de dollars. Les médecins y voient un signe évident de la volonté du gouvernement de fermer cet hôpital centenaire, qui avait pourtant obtenu une protection particulière il y a cinq ans en raison de son caractère francophone.

Juste avant Noël, les chefs des médecins, dentistes et pharmaciens de l'hôpital (CMDP) se sont réunis afin d'exhorter le ministre de la Santé, l'Agence de la santé et le CUSM à respecter un contrat signé sous les libéraux. Ce contrat accordait à l'hôpital la somme de 56 millions de dollars (actualisé à 66 millions) pour rénover ses locaux et renouveler son équipement de résonance magnétique. Pour toute réponse, le CMDP a eu droit à un accusé de réception.

«À l'heure actuelle, plusieurs civières aux urgences servent à hospitaliser des patients pour des soins de courte durée. On leur donne congé avant qu'ils aient un lit aux étages, se désole le Dr Paul Saba, chef des médecins. Imaginez ce qui va arriver avec la fermeture de ces lits. Nous sommes au Québec. Je ne peux pas croire qu'il va falloir se battre pour la sauvegarde de notre hôpital comme pour Montfort, le seul hôpital de langue française de l'Ontario.»

Jointe par La Presse, l'attachée de presse du ministre de la Santé, Ariane Lareau, n'a pas été en mesure d'en dire beaucoup plus sur l'avenir de l'hôpital: «Nous sommes en train de prioriser les projets qui n'étaient pas rattachés au Plan quinquennal d'immobilisation, et il y en a beaucoup (une dizaine, pour une valeur de 2 milliards de dollars). L'ancien ministre, Yves Bolduc, en avait promis beaucoup trop. Nous sommes pris avec les problèmes des libéraux.»

Mais selon le Dr Saba, la récente tentative du ministre Réjean Hébert d'intégrer l'hôpital au CSSS Dorval-Lachine-LaSalle démontre clairement qu'il a l'intention de le transformer en simple clinique ambulatoire. «Nous voulons conserver notre gouvernance, à l'instar de l'Hôpital de Montréal pour enfants, lui aussi rattaché au CUSM, précise le médecin. Nous avons demandé 79 lits, mais on en ferme au lieu de verser l'argent promis pour en ouvrir.»

Une lutte pour la survie

Au CUSM, le directeur des affaires publiques, Richard Fahey, a confirmé que les lits seront fermés dans les prochains jours, à mesure que les patients obtiendront leur congé. «Il faut comprendre qu'on n'a pas obtenu de financement pour ces lits», a précisé M. Fahey. Quant au projet de modernisation de l'hôpital, il a affirmé que le CUSM est à mettre à jour le plan qui avait été approuvé, sans plus de détails.

Pendant la dernière campagne électorale, le Mouvement Québec français et le Conseil pour la protection des malades (CPM) avaient interpellé les partis politiques pour la sauvegarde de l'hôpital. Dans le pire des scénarios, la lutte pourrait se transporter devant les tribunaux, affirme Paul Brunet, président du CPM. «Depuis que cet hôpital a été intégré au CUSM, il semble négligé et devient bilingue», dit-il.