En réduisant de 50 millions de dollars le financement destiné à la chirurgie dans les hôpitaux, Québec va inévitablement réduire le nombre d'interventions, estiment les médecins et le regroupement des établissements de santé.

La Presse a obtenu les nouveaux barèmes que veut appliquer Québec pour le paiement des interventions supplémentaires, un budget spécial débloqué en 2003 sous Philippe Couillard qui était reconduit depuis 10 ans. Québec payait en moyenne 4526$ pour une intervention l'an dernier. Ce sera réduit d'environ 25%, à 3127$, pour l'année en cours.

Pour une prothèse du genou, Québec versait 8598$ aux établissements. Le chèque sera ramené à 5900$. Pour une prothèse de la hanche, on passe de 9200$ à 6400$. La pose d'un implant cochléaire, financée à hauteur de 37 000$, ne rapportera plus que 25 700$.

Le ministre de la Santé, Réjean Hébert rencontre aujourd'hui l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQUESS), qui représente 133 établissements. En réaction à la nouvelle publiée hier dans La Presse, selon laquelle Québec allait sabrer 50 millions de dollars dans les coûts des interventions chirurgicales, le Dr Hébert a expliqué que le Ministère s'était rendu compte qu'il payait en double des frais d'administration pour bon nombre d'interventions. La ponction budgétaire se fera sans réduction de services, a-t-il martelé hier à l'Assemblée nationale.

Scepticisme dans le milieu

Mais la présidente de l'AQUESS, l'ex-ministre Lise Denis, n'y croit pas. «Cet argent sert à des actes médicaux. Ces compressions vont se faire sentir sur le volume d'interventions», a-t-elle prédit. Surtout, cet effort supplémentaire n'est pas réparti également sur l'ensemble des établissements. En Outaouais par exemple, l'Hôpital de Gatineau fait 90% des interventions supplémentaires de la région.

De plus, la ponction de 50 millions sur les quatre derniers mois de l'année financière a un effet décuplé. «Cette intention n'a pas beaucoup de sens, il y a des voies de passage à trouver», croit Mme Denis.

Le président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette, se dit «très perplexe» devant les affirmations du Dr Hébert. «Comment va-t-il faire ça? C'est comme dans la publicité: seul son coiffeur le sait. Si vraiment Québec payait deux fois l'administration, cela laisse songeur sur la capacité du Ministère de gérer les fonds publics. J'ai beaucoup de difficulté à croire qu'on puisse faire cette opération sans réduire les services. J'attends que le ministre en fasse la démonstration.»

À l'Assemblée nationale, hier, l'ancien ministre Yves Bolduc a exprimé son scepticisme quant à la possibilité de sabrer les budgets sans réduire les soins. «À partir du moment où on enlève du budget, on ne pourra couper des administrateurs, des téléphonistes. Cela veut dire que les établissements qui sont déjà en équilibre très précaire vont devoir vivre avec moins d'argent... Il y aura donc des réductions de services. Ils vont garder les services financés à l'activité, comme la chirurgie, mais réduire dans d'autres - l'audiologie, par exemple.» Le Dr Bolduc a qualifié de «sophisme» le raisonnement du ministre Hébert.

Le Dr Hébert a toutefois soutenu qu'en dépit de ces compressions, les services seront maintenus. «Nous avons hérité au gouvernement d'une situation lamentable en termes de contrôle des dépenses publiques, a-t-il expliqué. Nous accordions un paiement qui comprenait des services administratifs et des services de soutien qui sont déjà payés. Alors, on payait deux fois pour la même chose», a lancé le ministre Hébert. Son prédécesseur Yves Bolduc, a-t-il soutenu, «était au courant de cette situation et ne l'a pas corrigée».

«Nous allons faire cet exercice au niveau du Ministère, des agences et des centres de santé et de services sociaux, de façon à ce que l'argent des contribuables soit bien utilisé pour rendre des services à la population», a promis le ministre.