Anéantie par le suivi d'un sexologue l'ayant conduite au bord du suicide, une Montréalaise évalue ses pertes à 40 000$. Fait exceptionnel au Québec, elle a décidé de le poursuivre. Ariane Duplessis a même accepté d'être nommée dans le journal, pour que les autres victimes se sentent moins seules.

L'avocate qu'elle a consultée a trouvé une seule autre poursuite civile contre un thérapeute toxique. Pourtant, les éclopés sont légion. Ariane a lancé le blogue «psyabuseur» en février 2011 et a vite recueilli les histoires d'horreur de 47 femmes. Certaines se rencontrent désormais au sein d'un groupe de soutien similaire aux Alcooliques anonymes, Thérapie Vigilance. «On se sent comme un enfant battu enlevé à ses parents. On vit un manque parce qu'on a tellement fait confiance», explique la femme de 35 ans.

«Pourtant, j'allais chercher de l'aide, et il m'a volé un morceau de vie, dit-elle. Pendant deux ans, mes enfants n'ont pas eu de mère.»

Ariane a eu la chance de se remettre de son choc post-traumatique. Ses nouvelles alliées souffrent encore. Troubles paniques, agoraphobie, anorexie, hyperacuité auditive... «La plupart restent inaptes au travail, résume Ariane, parce qu'elles sont terrorisées à l'idée de retourner en thérapie, même avec quelqu'un de compétent, qui pourrait les aider.»

En 2010, la jeune femme a porté plainte à l'Association des sexologues, laquelle a répondu qu'elle «ne détient pas les droits disciplinaires légaux qu'exigerait l'action de recevoir» ces doléances.

Récemment, une microbiologiste a préféré porter plainte pour agression sexuelle et abus de pouvoir. Son kinésithérapeute-guérisseur-d'âme lui avait massé les seins et les parties génitales, sous prétexte qu'elle devait symboliquement tomber amoureuse de son père. «La procureure lui a dit qu'elle ne pouvait rien faire, car elle avait été consentante», se désole Mme Duplessis, qui l'accompagnait.

Depuis quatre mois, la loi interdit d'offrir de psychothérapie sans répondre à des exigences précises et sans obtenir un permis auprès de l'Ordre des psychologues. L'organisme a déjà été alerté à l'égard de 60 psychothérapeutes «illégaux». Premier défi : trouver les ressources pour mener les enquêtes qui s'imposent. Car Québec n'a pas accordé de budget spécial à l'Ordre. Il doit puiser à même les cotisations de ses membres et les revenus générés par la délivrance des nouveaux permis.

Deuxième défi : surveiller les maîtres de l'épanouissement personnel, qui se défendent de jouer aux psychothérapeutes. Une étude publiée dans le Journal of Psychotherapy Practice and Research dénonce pourtant les périls de thérapies de groupe dans leur genre. Lorsqu'on ne protège pas les participants les uns des autres ou qu'on exerce des pressions, on fait plus de mal que de bien, constatent les chercheurs. « Ça prend plus d'encadrement, conclut Me Dominique Gervais, d'Option consommateurs. On ne peut plus traiter ça comme des cours de danse en ligne.»