En toute confiance, Jean-Daniel Mercier a acheté du boeuf à La maison du rôti, à Montréal, mardi après-midi. «J'ai entendu parler du rappel de boeuf contaminé, mais je pensais que ça touchait surtout l'Ouest canadien», a-t-il indiqué.
Erreur: le vaste rappel vise maintenant des milliers de coupes de boeuf et de viande hachée vendues au Québec. Tant les grandes bannières (Metro, Provigo-Loblaws, Sobeys-IGA) que les petites épiceries, boucheries et restaurants ont dû vider leurs tablettes de boeuf produit par XL Foods, dont le permis d'exploitation est suspendu.
«Les consommateurs devraient vérifier le contenu de leur réfrigérateur et de leur congélateur» et jeter tout produit visé par le rappel, conseille l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA).
Quatre personnes ont été infectées par la bactérie E. coli 0157: H7 après avoir acheté un bifteck contaminé dans un Costco d'Edmonton, ont confirmé les services de santé de l'Alberta. Il n'y a aucun cas connu au Québec, a-t-on indiqué au ministère de la Santé.
«Ça touche l'ensemble de l'industrie, partout au Canada, a dit Nathalie St-Pierre, vice-présidente du Conseil canadien du commerce de détail. Évidemment, on met tout en oeuvre pour assurer la sécurité de notre clientèle.»
Dès que de nouveaux produits sont ajoutés à la liste de rappels - ce qui est arrivé plusieurs fois -, «ils sont retirés immédiatement», a assuré Mme St-Pierre.
À La maison du rôti, qui offre une vingtaine de produits de XL Foods, la marchandise a été inspectée samedi dernier.
«Nous n'avons rien qui a été produit lors des dates visées par le rappel», a dit Michel Legrand, propriétaire de la boucherie. Même parmi les coupes de boeuf déjà vendues aux clients, «les chances sont pratiquement nulles» qu'il y en ait qui soient visées, a-t-il affirmé.
Explosif
À Ottawa, l'éclosion de la bactérie E. coli a dominé les débats à la Chambre des communes. Le Nouveau Parti démocratique affirme que la crise est une conséquence directe des coupes annoncées lors du dernier budget fédéral. Le budget annuel de l'ACIA sera en effet retranché graduellement pour diminuer de 56,1 millions par année d'ici deux ans.
«La dernière chose qu'il faut toucher, c'est le service direct à la population, à plus forte raison lorsque c'est un service qui affecte la santé publique, la sécurité publique», a dénoncé le chef néo-démocrate Thomas Mulcair.
Dès le 4 septembre, l'ACIA et les autorités américaines ont détecté la présence d'E. coli dans des échantillons de boeuf de XL Foods. L'entreprise a perdu son droit d'exporter aux États-Unis le 13 septembre, mais il a fallu attendre trois jours de plus pour que ses produits commencent à être rappelés au Canada.
«Le gouvernement dit que la protection des consommateurs, c'est la première priorité, mais franchement, on est - les consommateurs sont les derniers à découvrir le problème», a raillé le chef du Parti libéral, Bob Rae.
Stephen Harper a défendu le travail des autorités fédérales.
«Dès les premières informations au sujet de la contamination, le 4 septembre dernier, l'Agence a agi pour restreindre cette nourriture, et elle continue d'agir jusqu'à maintenant», a-t-il affirmé.
Il souligne que son gouvernement a embauché 700 nouveaux inspecteurs à l'ACIA, un chiffre contesté par le Syndicat de l'agriculture de l'Alliance de la fonction publique du Canada.
Son vice-président, Raphaël Tarasco, estime que l'éclosion albertaine aurait pu être évitée si un nombre suffisant d'inspecteurs dûment formés s'était trouvé dans l'établissement de XL Foods.
«On manque d'inspecteurs, résume-t-il. L'agence responsabilise de plus en plus les entreprises parce qu'on n'a pas assez de ressources pour faire toutes les vérifications. Et il peut arriver des dérapages, ce qui est arrivé là.»
C'est «la combinaison de plusieurs lacunes» qui aurait mené à cette contamination, selon l'ACIA. XL Foods devra mettre en oeuvre «adéquatement» diverses mesures correctives avant de regagner son permis d'exploitation, a dit l'agence fédérale.
L'ACIA n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse, mardi.