Interrogés avant la publication de notre enquête, les pseudo-guérisseurs nous ont tous déclaré que le gouvernement avait tort de ne pas reconnaître leur méthode. Oui, on trouve beaucoup de profiteurs dans leur domaine, ont-ils admis, mais aucun d'entre eux ne se sentait en cause.

Misty Carranza nous a demandé comment faire pour que sa méthode devienne légale, en disant que l'utilisation d'aimants «n'a aucun effet secondaire et a aidé beaucoup de gens».

La multirécidiviste Nicole Ouellet affirme que ses clients satisfaits lui tiennent lieu de preuves scientifiques. Elle ajoute toutefois «barrer» ceux pour qui ça ne marche pas, parce que «cela démontre qu'ils ne travaillent pas assez fort».

Le vendeur de guérison reconnective Sylvain Champagne jure que s'il n'avait pas d'aussi bons résultats, il abandonnerait tout.

Le capteur de points bleus Antonin Poncik soutient poser des questions pour pouvoir «remettre la personne en marche en travaillant dans son système nerveux». Il a nié nous avoir diagnostiqué un accident vasculaire cérébral, alors que notre reportage vidéo le montre en train de le faire (lapresse.ca/invasion).

Plus posé que les autres, Giulio Fioravanti est le seul à avoir insisté sur l'importance du suivi médical. Même des médecins, dont un phlébologue, lui recommandent des patients ayant des problèmes de circulation ou des plaies, dit le magnétiseur.

Il soutient travailler sur des zones du corps réelles et pouvoir recréer de la matière avec de l'énergie. Comme plusieurs dans le milieu, il se réclame de la physique quantique.

«Les transferts d'énergie se font via des forces, et ici, aucune force n'est appliquée», estime toutefois le physicien Normand Mousseau, professeur à l'Université de Montréal. D'après lui, aucune des méthodes exposées ici n'a de fondement scientifique.

«Je crois à ce que je fais, je vois les résultats, si derrière ça, c'est l'effet placebo, tant mieux», réplique Giulio Fioravanti.

Les scientifiques reconnaissent que le corps d'un patient qui se sent soudain compris ou pris en charge réagit parfois en sécrétant des endorphines, susceptibles de calmer la douleur. «L'eau distillée calme aussi bien que la morphine pendant les six premières heures, mais ça ne dure pas. L'effet disparaît avec les répétitions», prévient toutefois le médecin et bioéthicien Marc Zaffran.

Cela ne l'empêche pas de penser qu' «il faut étudier la manière dont les rituels et les tours de magie ont un effet sur la psychologie des individus et quelle est la frontière à ne pas dépasser».

À la limite, dit-il, on pourrait fort bien proposer aux gens de les aider en les écoutant calmement. « Le problème, dit-il, c'est quand, pour faire plus d'argent, des gens escroquent les autres sur la nature de ce qu'ils font.»

Aussi écrivain, Marc Zaffran estime que les guérisseurs sont en fait beaucoup plus rigides que les médecins. «L'attitude obscurantiste se fonde uniquement sur l'appréciation de l'inventeur d'une méthode, qui ne la soumet à aucune étude comparative et n'accepte pas la critique. Ça demande un acte de foi.»