Le Dr Stéphane Carignan juge que le couple Berthiaume-Barrette manque de tact, un défaut qui aurait contribué à faire dégénérer les relations du travail au service de radiologie de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Le Dr Carignan est l'un des leaders du groupe de 12 radiologistes poursuivis par la conjointe du Dr Gaétan Barrette, Marie-Josée Berthiaume. Le procès en était à sa quatrième journée, hier. Les deux camps sont à couteaux tirés depuis 2009 et s'accusent mutuellement de harcèlement et de dénigrement.

Selon le Dr Carignan, la Dre Berthiaume a notamment manqué de doigté dans la façon de lui signaler une erreur d'interprétation, en mai 2009. Sur le réseau informatique, le rapport de lecture radiographique du Dr Carignan a alors été annoté en caractère gras par la Dre Berthiaume. Cette dernière en a versé une copie papier dans le pigeonnier du Dr Carignan.

Le Dr Carignan reconnaît qu'il est important de souligner les erreurs. «Mais tout est dans la façon de faire. Personne n'aime se faire mettre une erreur sous le nez», a-t-il dit.

Le radiologiste de 45 ans dit ne s'être jamais fait signaler une erreur d'une telle façon en 18 ans de carrière. Dans son cas, lorsqu'il doit faire part d'une erreur à un collègue, il le fait par téléphone ou préférablement en personne, «car c'est délicat».

Selon lui, la Dre Berthiaume a agi ainsi parce qu'elle était frustrée de s'être fait refuser des heures supplémentaires par les associés du service, en avril 2009. La Dre Berthiaume consacrait beaucoup de temps à enseigner aux résidents universitaires à l'hôpital et réclamait d'être dédommagée.

«Vous m'écoeurez»

Cette réunion d'avril 2009 s'est très mal terminée. La Dre Berthiaume était en colère, raconte le Dr Carignan. «Vous m'écoeurez, aurait dit Mme Berthiaume. Vous êtes le pire groupe que j'aie eu. Je vais vous faire une réputation auprès des résidents.»

À cette même réunion, le Dr Gaétan Barrette aurait aussi dit: «Vous êtes des insignifiants. Vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez. C'est la pire décision de SORAD en 20 ans.»

Le Dr Carignan l'aurait alors invectivé. «J'en ai assez de ton mépris», aurait-il lancé.

Gaétan Barrette a été le chef du service jusqu'en mars 2008, moment où les membres du service ont exigé son remplacement. L'homme était aussi président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, poste qu'il occupe toujours.

En septembre 2009, les associés du service auraient rencontré la Dre Berthiaume pour lui demander de quitter la SORAD, société de partage des revenus des radiologistes du service.

Bouleversée

La Dre Berthiaume a raconté, hier matin, avoir été bouleversée par cette rencontre du début de septembre. «Mon univers professionnel s'est écroulé. Je suis tombée dans un no man's land. Je n'avais plus de collègues, de département, de patrons», a raconté Mme Berthiaume, qui dit consulter un psychologue depuis.

En décembre 2009, elle a officiellement été expulsée de la SORAD, mais pas du service de radiologie. Aujourd'hui, elle y travaille toujours parce que «Maisonneuve-Rosemont est un rêve professionnel, avec une équipe spécialisée». «Une telle chose n'existe pas ailleurs au Québec. Je ne peux mettre une croix sur ça», a-t-elle dit hier, pleurant à quelques reprises durant son témoignage.

Après cette réunion de décembre, le Dr Gaétan Barrette s'est plaint auprès du chef du service, Robert Filion. La conversation téléphonique, enregistrée, a été produite au dossier de la cour.

«Toute cette affaire-là, câlisse, Robert Filion, c'est de la câlisse de marde de Carignan. [...] C'est de l'ostie de vacherie depuis le début, puis vous allez payer pour, un moment donné, Robert. Sers-toi de ta tête, calvaire, t'as pas été capable de le contrôler, cet osti de trou de cul-là, sers-toé donc de ta tête maintenant, là, Robert», a dit le Dr Barrette.

Par ailleurs, l'avocat des 12 radiologistes, Me Éric Lefebvre, a fait admettre à la Dre Berthiaume qu'elle avait le choix de refuser certaines tâches additionnelles d'enseignement pour alléger son travail, ce qu'elle ne fait pas parce qu'elle dit adorer enseigner. «Au département, ou bien on enseigne, ou bien on n'enseigne pas. Moi, je crois que tout le monde doit enseigner», a-t-elle dit.