Le mouvement antinucléaire québécois invoque le principe de précaution pour exiger la fermeture de la centrale Gentilly-2.

Le Dr Éric Notebaert, urgentologue, professeur de médecine à l'Université de Montréal et membre de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement, est l'un des intervenants principaux du film Gentilly or not to be. On le voit faire une tournée de la région pour rencontrer des citoyens et partager ses inquiétudes. Cette démarche lui vaut toutefois de virulentes critiques.

Selon lui, les études sont claires: «Plus la population est proche des centrales, plus l'incidence de leucémie augmente, a-t-il affirmé dans l'un des nombreux échanges qu'il a eus avec La Presse la semaine dernière. Il s'agit évidemment d'une association et non d'une relation de cause à effet. Cependant, il n'y a aucune explication meilleure que le rayonnement pour expliquer ces incidences parfois très élevées.»

«Le principe de précaution doit absolument s'appliquer devant une masse de résultats qui vont dans le même sens, dit-il. C'est une raison fondamentale pour laquelle nous ne devons pas procéder à la réfection de Gentilly-2.»

»Un film de propagande»

Christian Janicki, docteur en physique nucléaire et responsable de la radioprotection à l'Hôpital général de Montréal, ne cache pas son irritation devant la démarche du Dr Notebaert et le film Gentilly or not to be. «C'est un film de propagande antinucléaire, tranche-t-il. On voit que la science est un peu bafouée.»

«On accorde beaucoup d'importance à l'étude KiKK, qui est surprenante mais très contestée, dit-il. En Angleterre, ils ont fait leur propre étude et ils n'ont pas été capables de reproduire les résultats. Je ne crois pas que l'étude allemande sera confirmée. Pour moi, c'est un résultat aléatoire.»

«On peut aussi trouver des études qui disent qu'une faible dose de radiation est bonne pour la santé, ajoute-t-il. Ça ne veut pas dire que c'est significatif.»

M. Janicki est très critique envers le Dr Notebaert. «Que des médecins aillent faire peur aux mères de jeunes enfants et leur dire de quitter la région, pour moi, c'est non éthique. Il faut informer les gens correctement.»

«Selon moi, il est malveillant de jouer aux alarmistes et de terroriser la population sur des bases scientifiques douteuses, incomplètes et biaisées au nom d'un militantisme extrémiste antinucléaire qui n'a pas sa place dans le vrai discours scientifique», ajoute-t-il.

M. Janicki souligne que l'étude COMARE n'est pas citée dans le documentaire ni dans les présentations du Dr Notebaert.

Les dangers de la radiation ne sont pas là où l'on croit, précise-t-il. Il affirme que les voisins de la centrale de Gentilly-2 reçoivent en une heure autant de radiation naturelle que celle attribuable à la centrale dans toute une année.

Le Dr Notebaert affirme au contraire qu'il fait son devoir. «Qu'est-ce qui est responsable? demande-t-il. Aviser les gens qu'il y a des études très inquiétantes? Ou leur dire qu'il n'y a absolument aucun problème, comme semble le suggérer la santé publique? La première position est certainement moins paternaliste.»

Une étude allemande a calculé en 2008 qu'il y avait 120% plus de leucémies chez les enfants de 5 ans dans un rayon de 5 km autour des centrales nucléaires. Une étude américaine de 2007 a pour sa part trouvé une augmentation de 24% des leucémies chez les enfants de moins de 10 ans dans un rayon de 16 km autour des centrales. Les auteurs des deux études ont conclu que les rejets atmosphériques des centrales n'étaient probablement pas la cause de ces risques anormaux et que d'autres facteurs devaient être considérés.