Des professionnels de la santé dénoncent le nouveau projet de soins à domicile instauré au centre de santé et de services sociaux Sud-Ouest-Verdun. Ils comparent les objectifs que leurs patrons leur fixent à ceux d'entreprises de restauration rapide. Hier, une centaine d'employés ont joué de la casserole devant le CLSC Saint-Henri pour demander certaines modifications au programme.

Pour augmenter le nombre de visites à domicile de 10%, le CSSS Sud-Ouest-Verdun a embauché une firme privée il y a environ huit mois. Depuis, physiothérapeutes, ergothérapeutes, travailleurs sociaux et autres employés qui effectuent des soins à domicile doivent rencontrer les patrons aux deux jours «afin de rendre compte de leurs statistiques». Aussi, des télévisions affichant le rendement des différentes équipes ont été installées dans les salles d'employés ce qui crée une compétition malsaine, affirme Stéphan Léger, responsable du CSSS à l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).

«Ça retombe sur les épaules de nos gens, ça augmente la pression et le risque d'erreur. Les gens sont obligés de tourner les coins ronds et actuellement le climat est tellement miné», déplore-t-il.

M. Léger affirme que les employés sentent qu'ils perdent l'autonomie qu'ils avaient lors des rencontres avec les patients. «En santé, chaque cas est différent. Et quand ce sont des personnes âgées, il faut s'ajuster à leur rythme. Des fois, elles ont mal. D'autres fois, elles sont cognitivement moins présentes. Les personnes âgées, ce ne sont pas des voitures à réparer.»

Au lieu de 10 visites par semaine, les travailleurs sociaux doivent dorénavant en effectuer 12 pour répondre aux objectifs, ont affirmé deux employés qui participaient à la manifestation et qui ont préféré taire leur identité par crainte de représailles. Or, elles affirment que la firme privée Proaction ne comptabilise pas le temps passé à remplir les demandes d'hébergement, formulaires de subvention, appels avec les médecins par exemple.

«C'est insultant. C'est comme si on nous disait qu'on n'en fait pas assez. Et c'est comme Big Brother: on montre nos tableaux de performance dans la cafeteria, on rencontre nos boss deux fois par semaine, mais si un patient pleure, on ne peut pas lui dire: «je n'ai que 15 minutes», raconte l'une d'entre elles.

La directrice des services aux personnes en perte d'autonomie au CSSS Sud-Ouest-Verdun, Annie Foy, promet qu'elle va se pencher sur les demandes des employés qui ne veulent plus avoir à justifier les rencontres qui durent plus longtemps que prévu. Lundi, lors d'une réunion, la direction et le syndicat de l'APTS se sont entendus sur un calendrier de rencontres afin d'aborder certaines améliorations qui pourraient être apportées au projet.



Mme Foy rappelle cependant que le CSSS doit répondre à des exigences ministérielles qui imposent notamment d'accroître de 10% le temps à domicile, d'augmenter le nombre de clients vus et de réduire les listes d'attente. Elle est convaincue que les employés peuvent y arriver en faisant de la meilleure planification de leur temps. «Il n'y a pas de crise tous les jours chez tous les clients», dit-elle.

Un projet exportable?

Par ailleurs, l'APTS s'est dite inquiète des intentions de la nouvelle directrice de l'Agence de la santé de Montréal qui compte «exporter» le projet d'optimisation des soins à domicile à tous les CSSS de l'île. Les CSSS de Ahuntsic-Montréal-Nord et Cavendish ont implanté des programmes similaires qui causent également du stress chez les employés, selon Carolle Dubé, présidente de l'APTS.

«On sent la volonté de l'agence de Montréal de vouloir exporter ces façons de faire à d'autres établissements. Ce qui se vit ici et ce qui est dénoncé ici à Verdun risquent de se produire ailleurs. C'est inquiétant et on pense qu'on n'est pas du tout dans la bonne voie pour améliorer les services qui sont donnés à domicile».

À l'Agence, on assure que chaque CSSS peut satisfaire aux exigences du ministère en adoptant le programme voulu, avec ou sans firme privée.