Après le programme de dépistage du cancer du sein et celui visant à détecter le cancer colorectal actuellement en période de rodage, Québec se penche sur la pertinence de dépister systématiquement le cancer de la prostate chez les hommes de 50 ans et plus. Une question délicate dans le contexte où plusieurs études européennes et américaines se contredisent sur les bienfaits du dépistage pour ce type de cancer, souvent à progression très lente.

Un comité mis sur pied par le Collège des médecins du Québec s'est déjà réuni à plusieurs reprises au cours des derniers mois et doit présenter sa position l'automne prochain. En plus des spécialistes de l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS), le groupe réunit des urologues, des chercheurs, des médecins de famille et des usagers du réseau de la santé, a-t-on confirmé au Collège.

Jusqu'à maintenant, l'Association des urologues du Québec n'a pas émis d'avis formel. Mais de plus en plus d'urologues se prononcent en faveur du test de dépistage, avec des balises claires. Le directeur du service d'urologie et du laboratoire d'uro-oncologie expérimentale du CHUQ-Hôtel-Dieu de Québec, le Dr Yves Fradet, estime qu'il faut bien cibler les patients avant de leur faire passer le test APS ou PSA (antigène prostatique spécifique), qui consiste en une simple prise de sang.

«Aux États-Unis, les hommes se ruent chez leur médecin de famille pour passer le test, explique le Dr Fradet. Les résultats conduisent parfois à des biopsies inutiles avec des complications, notamment des infections. Pas étonnant que le U.S. Preventive Services Task Force (Groupe de travail sur les services de prévention) ait recommandé il y a quelques jours de ne pas faire passer le test systématiquement. Il n'en demeure pas moins que le cancer de la prostate devrait devenir une priorité du Québec dans la lutte contre le cancer.»

Le Dr Fradet mise beaucoup sur un test disponible depuis peu, mais actuellement non remboursé par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ): le PCA3, qui coûte environ 300$ et qui est le premier test de biologie moléculaire. Il complète en quelque sorte le PSA et, surtout, il permet de déterminer le niveau d'agressivité des cancers détectés pour éviter les traitements inutiles - l'un des principaux arguments des détracteurs du PSA.

«Il faut faire le parallèle avec le cancer du sein, estime le Dr Fradet. Il y a 30 ans, on accueillait dans nos cliniques des hommes affaiblis par le cancer de la prostate et qui avaient de la difficulté à marcher. Il ne restait qu'à leur prescrire des pilules pour la douleur jusqu'à ce qu'ils meurent. Aujourd'hui, il y a des médicaments, mais ils coûtent cher. Sauf que la mortalité a diminué. Et il ne faut pas oublier que l'espérance de vie augmente constamment, ce qui augmente aussi l'incidence du cancer.»

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Une question de détection

Le cancer de la prostate affecte un homme sur sept. Lorsque le cancer est diagnostiqué à temps et qu'il ne s'est pas propagé à l'extérieur de la prostate, le taux de guérison est évalué à 90%. Les risques de mourir d'un cancer de la prostate sont faibles, soit 3,5% L'âge moyen de décès est de 80 ans. Aux États-Unis, on estime qu'un million d'hommes auraient été traités inutilement depuis 20 ans par simple précaution. Idem en Europe. Il n'en demeure pas moins que c'est l'un des cancers les plus fréquents, au même titre que le cancer du sein, colorectal et du poumon.