La fameuse «taxe santé» imposée à tous les contribuables, et prévue au départ pour financer les établissements de santé, deviendra une grande tirelire destinée à financer à peu près tout ce qui touche de près ou de loin à la santé, même la formation universitaire des infirmières praticiennes spécialisées (IPS).

Pendant que tous les yeux sont tournés vers la crise étudiante, le gouvernement a déposé son projet de loi, cette semaine, afin d'élargir la portée du Fonds de financement des établissements de santé et de services sociaux (FINESSS) du Québec.

Instaurée en 2010, la contribution santé est passée de 25 $ par Québécois à 200 $, cette année. Cet argent a permis d'amasser la cagnotte de 1,005 milliard dans le dernier budget provincial, par rapport aux 615 millions prévus en 2011-2012. En modifiant ainsi la loi, le ministère de la Santé coupe court aux réticences du vérificateur général qui, dans son plus récent rapport, a souligné que le gouvernement allait à l'encontre de la loi en se servant de la taxe santé pour financer directement d'autres activités, comme les agences de la santé, des organismes à but non lucratif, des universités, de même que des boursiers.

Commission parlementaire

Le projet de loi, qui a été déposé mardi par le ministre des Finances, Raymond Bachand, sera soumis à une commission parlementaire au cours des prochains jours avant d'être adopté, a assuré son attachée de presse, Catherine Poulin. Déjà, des voix s'élèvent pour dénoncer la façon dont la contribution des Québécois est gérée, en la détournant des soins directs à la population.

«Nous ne sommes pas du tout d'accord avec le fait qu'on utilise cet argent pour financer la formation des infirmières spécialisées. C'est la même chose pour les groupes de médecine de famille parce qu'on constate que les patients n'ont pas un meilleur accès aux soins, dénonce le directeur du Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU), Pierre Blain. Il est clair que c 'est une façon détournée d'imposer une autre taxe aux contribuables servant à financer des pommes et des oranges. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que l'argent des Québécois aille à tout le moins dans des soins directs, notamment dans les soins à domicile.»

La nouvelle mouture de la loi s'articule en huit points, et prévoit que le fonds (FINESSS) pourra être alloué sans nécessairement passer par des établissements de santé «pour toute initiative contribuant au maintien de services de santé et de services sociaux accessibles et de qualité». Dans cette loi, il est question notamment des organismes communautaires, de «tout autre intervenant» du système de santé, de même que de «mesures» améliorant les services en médecine familiale.

À l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), on s'affairait à prendre connaissance du projet de loi, hier, pour en saisi r la portée. L'AQESSS se pose plusieurs questions et entend s'assurer que l'argent demandé aux citoyens serve à leur offrir des services. «Par exemple, si un organisme communautaire reçoit de l'argent, il faudrait que ce soit à la base une décision d'un établissement de santé. Pour nous, ce fonds est un service à la population qui doit passer à travers les établissements », indique Lise Denis, dirigeante de l'Association.

Dans son dernier budget, le ministre Bachand a dévoilé comment il entend dépenser le milliard récolté auprès des contribuables avec la contribution santé de 200$. La plus grosse part du gâteau, soit 200 millions, va à l'accès aux chirurgies. Une somme de 173 millions est allouée aux personnes âgées; 160 millions sont investis dans la dialyse et 120 millions dans les groupes de médecine familiale (GMF). Enfin, une somme de 60 millions servira à appuyer le programme de dépistage du cancer colorectal, de même que la procréation assistée. Cette utilisation du Fonds de financement des établissements de santé et des services sociaux nécessite un changement à la loi.