Pour la première fois au Québec, une étude explore ce que manger sainement signifie pour les parents d'enfants d'âge préscolaire. Selon l'enquête menée auprès de 1257 familles, deux visions s'opposent: des parents font rimer bien manger avec qualité, d'autres avec quantité.

«La petite enfance est vraiment une période déterminante, parce que c'est là que les comportements alimentaires à long terme se développent, a dit Stéphanie Pernice, nutritionniste, qui présentera l'étude lundi au congrès de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS). Jusqu'à 3 ans, les enfants ont des signaux de faim et de satiété très forts. Mais si l'enfant est déconnecté de ces signaux, ça peut l'amener à manger plus que ce dont il a besoin.» Déjà, à l'âge de 4 ans, 10 % des enfants québécois font de l'embonpoint et 4 % sont obèses.

Pour 40,8 % des parents sondés, bien manger signifie s'alimenter sainement, tandis que 31,4 % évoquent la variété et 23,5 %, l'aspect visuel de l'assiette.

Le tiers des familles dit faire appel à des stratégies ou à des ruses pour augmenter les quantités ingérées par les tout-petits. Camouflage de légumes (dans un pain de viande, par exemple), jeux forçant l'enfant à manger davantage (transformer la fourchette en avion) et promesses de récompenses sont au menu.

Effets pervers

«Le parent qui utilise ces stratégies veut simplement que son enfant mange mieux, a reconnu Mme Pernice. Mais nous apportons des bémols sur les effets pervers de certaines approches.» Dire à l'enfant qu'il doit finir son assiette pour avoir droit au dessert a des conséquences. «On fait en sorte que l'enfant aime encore moins l'aliment à manger, tout en ayant encore plus d'intérêt pour le dessert», a expliqué la nutritionniste.

Fait intéressant, près du quart des parents font participer le tout-petit à la cuisine. Pour rendre le repas en famille plus agréable, une vaste majorité (71 %) dit miser sur la discussion, tandis que 40,4 % s'assurent que toute la famille est à table et que 30,4 % évitent la télévision. «Le repas en famille agréable est un facteur clé permettant à l'enfant de développer une relation saine envers l'aliment», a observé Mme Pernice.

Seulement 8,6 % des familles ont évoqué le rôle de modèle du parent, pourtant primordial. «Il faut être cohérent, a souligné la nutritionniste. L'enfant est une petite éponge, qui observe ses parents.»

Une stratégie intéressante

Il faut maintenant proposer aux parents de meilleures stratégies pour faire des repas l'occasion d'acquérir de saines habitudes de vie, selon Mme Pernice. «La division des responsabilités est une notion très intéressante, a-t-elle suggéré. Le parent est responsable du «quoi, où, qui et quand», tandis que l'enfant est responsable du «combien». Cela veut dire que le parent offre des aliments sains, au repas, que prend ensemble toute la famille. Mais l'enfant est la meilleure personne pour savoir la quantité qu'il souhaite manger. À long terme, ça fait des enfants qui ont une alimentation plus variée et une relation plus saine avec les aliments que si on met de la pression.»

Financé par Québec en forme, ce projet a été mené par Extenso, le centre de référence en nutrition humaine de l'Université de Montréal.

Trucs des parents pour rendre le repas plus agréable

71 % - Discussion

40,4 % - Tout la famille à table

30,4 % - Absence de télévision

22,9 % - Ambiance (musique, lumière tamisée, etc.)

Source : Enquête menée auprès de 1257 parents ayant au moins un enfant en CPE, projet Tout le monde à table, Université de Montréal.