Le conseil de discipline de l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec vient d'imposer des radiations temporaires de deux et de quatre semaines à deux infirmières de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) qui ont reconnu avoir fait preuve de négligence dans les soins prodigués à une femme morte après son accouchement, en 2008. Le mari de la victime, qui s'occupe aujourd'hui seul de leurs trois enfants, qualifie les sanctions de «ridicules».

Le 13 août 2008, Christine Sasseville, 38 ans, s'est présentée à l'HMR à 36 semaines de gestation avec des contractions. Un test de prééclampsie, une complication grave qui peut engendrer des convulsions durant l'accouchement, s'est avéré positif. L'équipe de soins a alors décidé de provoquer son accouchement le jour même ou au plus tard le lendemain, mais comme il n'y avait pas de place en salle d'accouchement, la patiente a été placée à l'étage postpartum pour la nuit.

Durant cette période, l'infirmière-chef adjointe à l'unité de périnatalité a confié la surveillance de la patiente à une stagiaire. Elle n'a pas eu d'échanges avec elle ou la patiente durant toute la nuit. Vers 7h le lendemain matin, l'infirmière a appris que Mme Sasseville avait vomi toute la nuit et que sa tension artérielle était élevée. L'infirmière a par la suite tenté de joindre un médecin, sans succès. Elle s'est contentée d'étudier son dossier.

«Le Conseil est d'opinion que l'intimée aurait dû se rendre immédiatement au chevet de la patiente pour constater par elle-même la gravité de la situation et prendre les mesures qui s'imposent rapidement. Quand l'intimée soutient que la candidate à la profession ne lui a pas donné de rapport est totalement irrecevable comme moyen de défense, car il revenait à l'intimée de lui en demander», peut-on lire dans la décision.

Étant donné le nombre très élevé de patientes et le fait que l'infirmière comprend la gravité de ses gestes, le Conseil lui a imposé une radiation temporaire de quatre semaines.

Seconde décision

La seconde décision concerne une autre infirmière qui a traité la patiente. Ce soir-là, cette infirmière avait la responsabilité de deux patientes en travail et de deux patientes en consultation externe, alors que le ratio est habituellement d'une patiente en travail par infirmière. Après avoir reçu l'ordonnance du médecin, elle a installé Mme Sasseville, également infirmière, dans une chambre et lui a demandé d'avertir les infirmières si elle avait des symptômes de prééclampsie.

L'infirmière ne l'a revue que lors de l'accouchement, le lendemain, à son retour au travail.

«Le Conseil est d'opinion que l'intimée aurait pu être plus vigilante, mais que le contexte de toute cette affaire milite en faveur d'une sanction moins sévère que celle proposée», peut-on lire dans la décision. L'infirmière a reçu une radiation temporaire de deux semaines.

«Des sanctions ridicules»

Le fils de Mme Sasseville, Dempa, est aujourd'hui âgé de 3 ans. Il est né après un accouchement difficile. Mme Sesseville vomissait à chaque contraction. Sa mort a été constatée quelques heures plus tard. Le bureau du coroner a conclu qu'une hémorragie cérébrale massive en raison d'une prééclampsie en était la cause.

Le mari de Mme Sasseville, Gondiel Ka, affirme qu'il aurait préféré des sanctions d'au moins deux mois. «Deux et quatre semaines, ce n'est pas assez pour une femme qui a laissé dans le deuil ses trois enfants et moi, qui vivait avec elle depuis plus de 20 ans, a-t-il affirmé. Ce sont des sanctions ridicules. Ça lance le message que s'il arrive un incident malheureux à l'hôpital, il va seulement y avoir une petite tape sur les doigts des infirmières.»

Trois autres infirmières impliquées dans ce cas feront l'objet d'une audience devant le comité de discipline en septembre. Une plainte a aussi été déposée devant le Collège des médecins, et une poursuite en dommages et intérêts a été intentée contre l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.