Le ministre de la Santé pourrait être accusé de négligence criminelle s'il n'agit pas de manière urgente pour déplacer un patient qui a agressé et séquestré des employés et usagers d'un centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI), prévient le président de la Fraternité des policiers de la Ville de Québec, Bernard Lerhé.

Dans une lettre qu'il vient d'envoyer au ministre Yves Bolduc, il met en lumière ce cas extrême pour démontrer le manque de ressources et de locaux adaptés aux personnes aux prises avec de «lourds problèmes de santé mentale».

«Il est urgent d'agir avant qu'il n'y ait un mort ou que d'autres personnes soient blessées gravement, écrit-il dans la lettre que La Presse a obtenue. Vous avez la responsabilité de donner les soins adéquats aux personnes vulnérables comme le cas que nous vous soumettons. Dans l'éventualité où cette responsabilité ne serait pas assumée par vous ou par les organismes relevant de votre ministère, nous croyons important de vous souligner, dans l'hypothèse malheureuse et non souhaitée où des actes de nature criminelle étaient commis par cet individu, qu'il pourrait y avoir une responsabilité au sens de l'article 219 du Code criminel, soit négligence criminelle en omettant de faire quelque chose qu'il est de son devoir d'accomplir.»

Interrogé par La Presse, M. Lerhé n'a pas voulu nommer l'individu ni le CRDI dont il parle dans sa missive pour des raisons de confidentialité.

Pistolet électrique

M. Lerhé fait référence à un homme qui a été accusé à quelques reprises depuis 2010 de séquestration et d'agression. Les policiers se sont rendus à de nombreuses reprises au CRDI et ont même dû utiliser le pistolet électrique pour le maîtriser lors d'une agression. «Les policiers n'auraient pas à faire usage d'un tel outil si, au départ, ces personnes-là étaient traitées correctement», dit-il.

L'homme a été accusé à quelques reprises, mais il a été déclaré inapte à avoir un procès, puis retourné au CRDI chaque fois. «C'est ainsi que le principe des portes tournantes recommence», déplore M. Lerhé.

«Si j'ai pris la peine d'écrire une lettre au ministre, poursuit-il, c'est que ce n'est pas le seul cas qui arrive. Nous sommes appelés à intervenir de plus en plus souvent. De plus en plus de personnes qui souffrent de troubles de santé mentale engorgent ensuite le système judiciaire qui, de son côté, ne bénéficie pas du soutien nécessaire du réseau de la santé pour gérer la situation.»

Le président du syndicat des policiers estime que certains cas lourds doivent être soignés dans un contexte de surveillance plus serré. Il cite l'exemple du centre hospitalier Robert-Giffard, à Québec, qui offrait jadis un plus grand nombre de chambres fermées et surveillées.

Le ministre Yves Bolduc a bel et bien reçu cette lettre, mais ne commente pas de cas particulier, a affirmé son attachée de presse, Natacha Joncas-Boudreault. Cette dernière affirme que le ministre a fait de la santé mentale l'une de ses priorités et que ce n'est qu'une infime partie des personnes aux prises avec ces problèmes qui ont besoin d'un hébergement à long terme. Elle rappelle aussi qu'il est important de distinguer les problèmes de santé mentale et de déficience intellectuelle.

N'empêche, le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, estime, comme son collègue, que davantage de ressources doivent être investies pour traiter ces clientèles vulnérables.

«Malheureusement, en étant les intervenants de dernière ligne, nous nous retrouvons avec des gens dont le système de santé n'a pas bien pris soin», explique-t-il.