John Bastian élève des animaux sans antibiotiques depuis 24 ans à la jolie ferme biologique Morgan, dans les Laurentides. «Si on donne aux animaux l'environnement dans lequel ils sont censés vivre, des pâturages où ils peuvent courir, qu'on laisse les veaux avec leurs mères, ils acquièrent un bon système immunitaire, a-t-il indiqué. Ils n'ont pas besoin d'antibiotiques.»

Les éleveurs industriels affirment, au contraire, qu'il faut leur en donner pour prévenir les maladies. «Ils ont raison! s'exclame M. Bastian. C'est très dur pour les animaux de survivre sans antibiotiques s'ils sont entassés, sans jamais sortir.»

Mais les pressions sont de plus en plus fortes pour que l'industrie agroalimentaire restreigne l'usage des antibiotiques, considéré comme l'un des facteurs qui contribuent à la résistance aux pathogènes humains.

Au Québec, 99% des poulets de chair reçoivent de petites doses d'antibiotiques, «un moyen sûr et efficace de prévenir les maladies et les problèmes de digestion», selon les Éleveurs de volailles du Québec. Un projet-pilote d'élevage industriel sans antibiotiques est toutefois en cours, afin de voir s'il est possible d'en produire en grande quantité à prix concurrentiel.

«Le test se terminera normalement en mai, dit Christian Dauth, porte-parole des Éleveurs de volaille. Il est possible que nous le prolongions d'une période d'élevage additionnelle.» La compilation et l'analyse des résultats «ne seront vraisemblablement pas terminées avant le début de 2013», a précisé M. Dauth.

»Comme des enfants dans une garderie»

L'usage d'antibiotiques à titre préventif est moins fréquent dans l'élevage bovin. C'est quand les veaux sont regroupés dans des parcs d'engraissement que les éleveurs leur en donnent, pendant 10 jours.

«Il faut comprendre que les veaux arrivent de plusieurs endroits différents, a expliqué André Roy, directeur de la mise en marché des bouvillons d'abattage, à la Fédération des producteurs de bovins du Québec. C'est un peu comme emmener votre chien dans un parc à chiens, où peuvent se transmettre toutes sortes de maladies. Ou comme dans une garderie.»

Il est à noter que les animaux livrés aux abattoirs ne contiennent aucune trace d'antibiotiques, «parce qu'il y a des périodes de retrait», assure Michel Major, vétérinaire en chef au ministère de l'Agriculture (MAPAQ). «L'utilisation d'antibiotiques ne pose pas de problème de salubrité alimentaire», confirme Sylvain Charlebois, professeur de distribution et politiques alimentaires à l'Université de Guelph, en Ontario.

Sans antibiotiques, plus cher

L'important, selon M. Charlebois, c'est que le consommateur ait le choix d'acheter de la viande produite avec ou sans antibiotiques. «Il y a des gens qui y voient un danger et qui acceptent de payer plus cher pour de la viande sans hormones, sans antibiotiques, a-t-il dit. Mais il faut aussi avoir des élevages avec antibiotiques, en raison de leur prix moins élevé. Sans antibiotiques, un parc d'engraissement peut voir ses pertes augmenter de 10% à 15%. C'est énorme.»

«On a très peu de mortalité», soutient M. Bastian, de la ferme Morgan. Son boeuf coûte tout de même deux fois plus cher que celui du supermarché, élevé avec antibiotiques.