Moyennant 400 $, Stéphane Bélainsky débarque chez ses clients avec une batterie d'appareils de lecture et mesure les ondes électromagnétiques ambiantes. «Je suis un hygiéniste, dit-il. En 1906, ce sont des hygiénistes comme moi qui ont sonné l'alarme au sujet de la dangerosité de l'amiante.»

En octobre, il a réalisé pour le compte de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) différentes mesures sur les nouveaux compteurs intelligents qu'Hydro-Québec compte installer dans les résidences. Son opinion ne transparaît pas dans son rapport. Mais M. Bélainsky ne voit pas d'un bon oeil l'arrivée de ces compteurs.

«L'Organisation mondiale de la santé a classé les ondes électromagnétiques comme étant peut-être cancérigènes. Donc, si on se fie à l'OMS, possiblement qu'elles peuvent provoquer des dommages à l'ADN», affirme-t-il.

Certains de ses clients se disent électrosensibles. En présence des ondes émises par des téléphones cellulaires, routeurs wifi et maintenant par les compteurs intelligents, ils disent avoir des malaises divers: maux de tête, saignements de nez, étourdissements, paralysie partielle et arythmie cardiaque.

«Je mesure quatre types d'ondes. Ensuite, j'atténue tout ce que je peux. Six à sept fois sur dix, je constate une atténuation des symptômes chez mes clients», affirme-t-il.

M. Bélainsky leur vend aussi des vêtements et des articles faits d'un matériau spécial qui réfléchit les ondes. Le prix: 140$ pour une veste à capuchon en coton maillé de fil d'argent «offrant une atténuation jusqu'à 99% pour les fréquences de 800 MHz à 18GHz»; 1045$ pour un baldaquin pour protéger le lit des radiofréquences.

Depuis quelque temps, M. Bélainsky travaille de près avec Villeray Refuse, un organisme très médiatisé qui milite activement contre l'installation des nouveaux compteurs d'Hydro-Québec, par crainte qu'ils provoquent des problèmes de santé publique.

Claire Maltais, une résidante de Villeray chez qui Hydro-Québec a installé trois compteurs dans le cadre d'un projet pilote, se plaint d'avoir des hauts de coeur depuis l'arrivée des compteurs. Elle dit même avoir fait une crise d'arythmie cardiaque. «J'en avais fait une peu de temps avant que les compteurs soient installés, je l'admets, mais j'ai l'impression que c'est revenu.»

Alarmiste et exagéré

La Direction de la santé publique de Montréal prend ces malaises au sérieux. Mais elle estime que la croisade de M. Bélainsky et de Villeray Refuse est inutilement alarmiste. Il est bien vrai que l'OMS a classé les ondes électromagnétiques dans la catégorie «2B» des substances «peut-être cancérigènes pour l'homme», note Monique Beausoleil, toxicologue à la Direction de la santé publique. Mais cette catégorie, qui compte près de 300 agents différents, «comprend aussi des substances de consommation très courante, comme le café». «Ce sont des produits pour lesquels on a certaines indications qu'il y aurait peut-être un effet cancérigène chez l'humain, mais dont la démonstration scientifique n'a jamais été établie», indique-t-elle.

Quant aux personnes qui se disent électrosensibles, la vaste majorité des études scientifiques réalisées à ce jour n'ont pas trouvé de corrélation entre l'exposition aux ondes et les symptômes qu'ils décrivent, assure Mme Beausoleil. «Il y a bien quelques études qui ont établi un lien, mais pour la plupart, leur méthodologie comportait un biais», affirme Mme Beausoleil. Ces études, pour être jugées valables, doivent donc être répliquées.

Par contre, les scientifiques semblent s'entendre sur l'existence d'un phénomène appelé «effet nocebo». «C'est un effet par lequel les individus ont des symptômes réels parce qu'ils croient être exposés à quelque chose qui leur fait peur», dit-elle.

«Je pense que c'est intéressant qu'il y ait des gens [comme Stéphane Bélainsky] qui soient spécialisés dans les mesures d'ondes et de champs électromagnétiques, ajoute Mme Beausoleil. Par contre, pour porter un jugement sur l'effet médical de l'exposition à ces ondes, je pense qu'il faut se référer aux organismes de santé reconnus. S'il y avait un risque réel pour la santé, on alerterait la population.»