Le fabricant de médicaments génériques Sandoz manque de transparence en refusant de dévoiler tous les produits qui seront touchés par la pénurie qu'entraîne le ralentissement de production à son usine de Boucherville, dénoncent plusieurs acteurs du système de santé qui craignent les répercussions sur les traitements.

Des pharmaciens hospitaliers demandent à la société pharmaceutique de fournir au plus vite une liste détaillée des médicaments qui risquent d'être en fin de série ou en rupture de stock.

Le 16 février dernier, Sandoz Canada a fait parvenir une lettre à ses clients dans laquelle elle annonçait qu'elle devait cesser ou suspendre temporairement la production de plusieurs de ses médicaments, dont certains sont considérés comme essentiels dans les hôpitaux québécois. De l'aveu de Sandoz, ce ralentissement «risque d'entraîner des ruptures temporaires dans l'approvisionnement de certains médicaments». Il découle d'un avertissement émis par la Food and Drug Administration (FDA), qui a relevé des «violations significatives» dans ses normes de production.

Sandoz Canada est le principal fournisseur de plusieurs médicaments injectables dans les hôpitaux québécois. Ces produits sont essentiels pour les soins critiques et intensifs ainsi qu'en chirurgie.

Pas de portrait clair

Une semaine après le début de la crise, les pharmaciens déplorent le fait qu'ils n'ont pas encore un portrait clair de la situation.

Jean-François Bussières est le président du comité des pharmaciens de SigmaSanté, le plus gros groupe d'achat de médicaments au Québec, qui approvisionne les régions de Montréal et de Laval. Il est également le chef du département de pharmacie au CHU Sainte-Justine. «Sandoz fait un effort pour nous informer sans générer une panique exagérée, mais actuellement, elle ne nous donne pas assez d'information, affirme-t-il. La pression que ça met sur nous est inégalée. En quantité, ça fait quelques années que l'on a des pénuries similaires, mais en terme de criticité et de complexité à gérer, c'est plus préoccupant.»

L'usine de Sandoz à Boucherville produit environ 250 médicaments. La pharmaceutique a annoncé qu'elle se consacrerait entièrement à l'approvisionnement de médicaments injectables essentiels. Pour y parvenir, elle a notamment mis fin à la fabrication de certains produits non essentiels, comme les produits ophtalmiques et les onguents, et a temporairement suspendu celle de «certains formats» de «certains produits» injectables.

Actuellement, affirme Jean-François Bussières, Sandoz a officiellement confirmé que 18 produits étaient en rupture de production. Entre cette liste, qui permet déjà aux pharmaciens de trouver des traitements de rechange, et les produits jugés non essentiels dont la production a déjà été suspendue, il y a une «zone grise». «C'est cette zone qui nous préoccupe, explique-t-il. On n'a pas encore une liste claire.»

Besoin d'un «tableau de bord»

Du côté des grands hôpitaux, tous s'entendent pour dire que l'affaire est «préoccupante». On précise cependant que la situation est maîtrisée et qu'il n'y aurait pas eu d'annulations d'opérations.

Au CHUM, un «groupe de discussion tactique» a été créé pour gérer la situation, a affirmé François Lespérance, le directeur adjoint des affaires médicales et académiques.

«On trouve que Sandoz a une approche rationnelle de suspendre la production de produits qui sont un peu plus secondaires pour se concentrer sur les produits essentiels. Néanmoins, nous avons besoin d'avoir rapidement un tableau de bord, car nous n'aurons pas la même approche pour un produit en rupture pendant une semaine que pour un produit discontinué à jamais ou en rupture durant deux ans», a ajouté son collègue Denis Bois, chef du département de pharmacie.

La présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec, Diane Lamarre, et l'Institut de cardiologie de Montréal ont formulé la même demande.

Marc Beaudoin, le vice-président, stratégie et développement des affaires chez Sandoz, n'a pas été en mesure d'affirmer combien de temps allaient durer les travaux correctifs à l'usine de Boucherville.

En attendant, la répartition des médicaments se fera proportionnellement entre ses clients selon l'allocation historique. «Nos groupes d'achats, nos hôpitaux et nos pharmaciens auraient aisément pu créer une rupture totalement artificielle en commandant un surplus de stock, affirme-t-il. Nos pharmaciens internes chez Sandoz sont en communication constante avec les acteurs concernés pour que l'on formule la meilleure stratégie dans le cas d'une rationalisation de certains formats et pour assurer que l'on change les protocoles de façon responsable dans les hôpitaux afin de minimiser l'impact sur les patients», a-t-il affirmé.