C'était l'an dernier. Deux jeunes femmes ont tenu à faire un retour dans le passé, celui de leur enfance. Elles ont marché dans le centre de cancérologie Charles-Bruneau du CHU Sainte-Justine. Mais cette fois, elles n'avaient pas un cathéter dans un bras pour la chimiothérapie.                                

Elles tenaient simplement leurs bébés.

«L'une d'entre elles ne pensait jamais pouvoir avoir un enfant, se remémore l'éducatrice spécialisée Caroline Rivest, de l'organisme Leucan, qui a accueillies les deux anciennes patientes. C'était très touchant, un peu comme une récompense pour moi. D'ailleurs, j'ai gardé les photos de tous les enfants qui ont été traités ici depuis que j'y travaille, ce qui veut dire depuis 24 ans.»

Mme Rivest montre le plafond de la salle de jeux. Il y a effectivement des dizaines et des dizaines de photos d'enfants. Certains sont morts, plusieurs sont toujours en vie. Sur les petites tables, il y a des jouets partout. Le bureau de Caroline Rivest est au coeur de cette salle de jeux. Un bureau plein de couleurs, rempli de dessins d'enfants atteints du cancer.

James le courageux

Aujourd'hui, le petit James, 6 ans, termine son avant-dernier traitement de chimiothérapie. Il fait aussi un casse-tête à la vitesse de l'éclair. Il y a un peu plus d'un an, au début du mois de décembre, on lui a enlevé une tumeur plus grosse qu'un oeuf dans le cerveau, juste derrière les yeux, explique sa mère. Elle n'oubliera jamais le nom du cancer qui afflige son fils: «astrocytome pilomyxoïde». «Le nom est gravé dans ma tête, comme une photo», dit Claudine Matte.

La mère de James est accompagnée de son conjoint, Stéphane Harrison. Le couple raconte la perte de cheveux de leur fils, les vomissements à n'en plus finir. La fatigue. Les orthèses la nuit pour étirer les muscles atrophiés du petit, l'un des effets secondaires de la chimiothérapie. Ils se souviennent de l'opération de 10 heures pour retirer la tumeur. «Le chirurgien nous avait prévenus que James n'avait que 50% de chances de survivre à l'opération», se rappelle la mère.

Rien n'est gagné, mais James est toujours en vie. Il y a de l'espoir, ajoute-t-elle. «La tumeur n'a pas complètement disparu, le cancer peut s'attaquer à d'autres organes n'importe quand, on ne le sait pas. Mais dans une semaine, ce sera le dernier traitement de chimiothérapie, et on voit ça comme une récompense. On ira à Disney World grâce à la fondation Rêves d'enfants.»

Pendant que le petit James range les morceaux de casse-tête dans une boîte, l'éducatrice spécialisée va d'un enfant à l'autre. Une cinquantaine d'enfants viennent ici chaque jour pour recevoir des traitements, parfois davantage, explique-t-elle. «Je suis là pour les parents et les enfants, pour leur demander comment ils vont. Pour les accompagner dans leur fatigue, dans leur détresse, dans leurs pleurs. Quand ça ne va pas, je peux les diriger vers les infirmières ou les médecins, je suis comme leurs antennes.»

James vient de recevoir son congé pour la semaine. Il peut aller se reposer chez lui. S'il est chanceux, il fera partie de près de 85% des enfants qui sont toujours en vie cinq ans après la fin de leurs traitements. «Quand j'ai commencé, il y a 34 ans, les enfants mouraient aussitôt qu'il y avait une rechute. La médecine a évolué», glisse Caroline Rivest sur un ton plein d'espoir, avant de tendre une boîte remplie d'autocollants à une fillette en traitement de chimiothérapie.