Les Québécois francophones continuent d'avoir une espérance de vie à la naissance moins grande que les Québécois anglophones, bien que l'écart tende à diminuer, souligne une étude publiée dans la dernière livraison du European Journal of Epidemiology. Les principales causes: le tabac, l'alcool et le suicide.

«Contrairement à plusieurs régions où les minorités tendent à être en moins bonne santé, la minorité anglophone, hommes et femmes confondus, a une meilleure espérance de vie que les francophones au Québec», indiquent Nathalie Auger, de l'Institut national de santé publique du Québec, et ses collègues.

L'espérance de vie n'a pas cessé d'augmenter, tant chez les francophones que chez les anglophones, lesquels ont «historiquement un statut social plus élevé au Québec». Pourtant, malgré une amélioration de leurs conditions de vie, les Franco-Québécois n'ont toujours pas rattrapé les Anglo-Québécois.

L'espérance de vie à la naissance était de 76,5 ans chez les hommes francophones en moyenne entre 2002 et 2006. C'est 2,3 années de moins que chez les hommes anglophones. Pendant la même période, l'espérance de vie était de 81,8 ans chez les femmes francophones, soit 1,4 année de moins que chez les femmes anglophones. L'écart était particulièrement marqué chez les hommes des villes importantes à l'exception de Montréal, comme Québec, Sherbrooke ou Gatineau, soit 5,1 ans.

«Les morts causées par le tabac chez les deux sexes, notamment les cancers des poumons, sont la cause dominante de l'écart dans l'espérance de vie à la naissance entre francophones et anglophones, ce qui correspond à la consommation de tabac plus importante chez les francophones au cours du dernier siècle.

«Les causes reliées à l'alcool chez les hommes (ce qui inclut les accidents de la route chez les 15-39 ans) constituent le deuxième facteur de mortalité plus élevée chez les francophones, particulièrement à Montréal et dans les petites communautés rurales. La consommation d'alcool et l'intoxication sont plus importantes chez les francophones.

«Le suicide contribue aussi à l'écart. Les taux de suicide au Québec se situent parmi les plus élevés dans le monde occidental... Les causes de la fréquence de suicides chez les jeunes francophones ne sont pas claires, mais pourraient avoir des racines historiques. Dans le passé, le suicide était peut-être perçu comme une issue aux conditions de vie oppressantes, et cette norme culturelle a persisté avec le temps, malgré l'amélioration de ces conditions de vie.»

Les auteurs insistent sur la responsabilité des compagnies de tabac dans la mortalité relativement plus élevée des femmes francophones. Ils soulignent «le rôle historique de l'industrie du tabac qui a fait la promotion des cigarettes chez les femmes francophones au milieu du 20e siècle, comme un symbole d'émancipation».

En 2010, Mme Auger et ses collègues avaient publié une recherche percutante, mais qui était passée à peu près inaperçue: l'écart dans l'espérance de vie à la naissance s'accroît entre les communautés les plus riches et les plus pauvres du Québec.

L'écart entre les hommes des communautés aux revenus les plus élevés et ceux des communautés aux revenus les plus bas est passé de 3,6 à 4,3 ans en une douzaine d'années, soit entre 1989-1992 et 2001-2004. Le même phénomène a été observé chez les femmes, passant de 2,4 à 3 ans.

Les auteurs émettent l'hypothèse que les changements apportés dans les services de santé ont pu se traduire par des différences d'accessibilité et de disponibilité dans les différentes communautés. Mais il pourrait y avoir bien d'autres causes.