Alors que le réseau de la santé québécois utilise de moins en moins de main-d'oeuvre indépendante, la région de la Côte-Nord a encore fréquemment recours à du personnel d'agences privées. Une situation désastreuse selon le syndicat local, qui lancera un véritable cri du coeur ce matin. Certains de ces employés, en plus de coûter beaucoup plus cher que le personnel permanent, sont insuffisamment formés et mettent en danger la clientèle.

En conférence de presse ce matin, le Syndicat des travailleuses et des travailleurs du Centre de santé et des services sociaux (CSSS) de Manicouagan présentera les nombreux effets pervers du recours au personnel d'agence sur leur territoire.

Le syndicat a pu obtenir le contrat liant le CSSS de Manicouagan à une agence de placement de personnel. Selon ce contrat, l'agence privée reçoit 83$ l'heure pour chaque infirmière qui travaille au CSSS Manicouagan et 48$ l'heure pour chaque préposé aux bénéficiaires. «Un préposé du public qui travaille dans le réseau depuis 5 ans gagne 18,76$ l'heure. Les employés d'agence coûtent beaucoup plus cher!», dénonce la présidente du syndicat, Gisèle Charrette. En plus de ce taux horaire plus élevé, tout employé d'agence privée qui travaille au CSSS de Manicouagan reçoit 0,46$ par kilomètre pour ses déplacements. Et l'agence de placement reçoit 50$ par nuit en frais d'hébergement.

Les employés d'agence qui se rendent à Baie-Comeau ont aussi la garantie de travailler au minimum 10 quarts de travail en 10 jours consécutifs. «Des fois, on n'a pas besoin d'elles. Mais on n'a pas le choix de les faire travailler pour respecter le contrat. Donc, on a souvent des employés en surplus sur différents quarts de travail. C'est du gaspillage d'argent», déplore Mme Charrette.

Présidente locale de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec à Baie-Comeau, Marie-Patricia Tremblay note qu'il arrive aussi fréquemment que des infirmières d'agence travaillent «en surplus». «Pendant ce temps, l'hôpital est en déficit de 3 millions, dénonce-t-elle. C'est illogique.»

Manque de formation

Le personnel d'agence est souvent mal formé, selon le syndicat des travailleurs et travailleuses du CSSS de Manicouagan. Par exemple, en juillet 2010, une employée d'agence a failli ébouillanter un résidant en faisant couler un bain beaucoup trop chaud. La jeune femme a été congédiée. Et en septembre 2011, deux nouvelles employées d'agence ont tenté de lever un résidant qui ne marchait plus depuis sept ans.

Quand on se retrouve à l'étage avec trois autres employés d'agence, on doit les former, les aider, les surveiller. Ça alourdit beaucoup la tâche. Mais en même temps, les patrons nous disent d'être gentils et patients avec les filles d'agence parce qu'on veut qu'elles reviennent!», dénonce Mme Charrette.

Chef du service des communications à l'agence de la santé de la Côte-Nord, Sandra Morin explique que le recrutement de main-d'oeuvre est difficile sur le territoire. Les plus récentes statistiques du ministère de la Santé révèlent en effet que le recours à la main-d'oeuvre indépendante a augmenté de 1% depuis l'an passé sur la Côte-Nord, alors que la quasi-totalité des autres régions de la province a vu ce taux diminuer. «L'idéal, c'est d'avoir des employés permanents. Mais quand on est mal pris, qu'est-ce qu'on fait?», demande Mme Morin.

Présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Francine Lévesque estime qu'il faut agir pour freiner le recours à la main-d'oeuvre indépendante. «Ce personnel coûte une fortune. Et les établissements sont parfois obligés de les faire travailler en surplus. C'est carrément de la mauvaise gestion», souligne-t-elle.