Nathalie, 34 ans, souffre de schizophrénie depuis l'âge de 14 ans. De l'aveu de sa mère, elle est un cas lourd. Très lourd. Elle est hébergée dans une aile spéciale de l'Hôpital Louis-H. Lafontaine depuis près de 10 ans, et est porteuse du VIH. D'ici quelques semaines, la jeune femme sera transférée au Centre d'hébergement de Louvain à Ahuntsic. Cet établissement accueillait jusqu'à tout récemment uniquement des personnes âgées en perte d'autonomie, mais hébergera d'ici peu des patients souffrant de problèmes de santé mentale. La mère de Nathalie est inquiète. Selon elle, sa fille est un cas «trop complexe» pour cet établissement et elle ne recevra pas assez de services.

Depuis l'âge de 14 ans, Nathalie entend des voix. «Elle est consciente de ce qui lui arrive. Elle en souffre beaucoup. Elle a fait plusieurs tentatives de suicide», note sa mère, Lucie Couillard. Selon Mme Couillard, sa fille a eu un parcours de vie «chaotique». Elle a séjourné dans différents hôpitaux, desquels elle s'est souvent fait expulser. Au début des années 2000, Nathalie s'est retrouvée dans la rue. «Elle était souvent gelée. Elle a attrapé le VIH», raconte Mme Couillard.

En 2002, un médecin accepte d'hospitaliser Nathalie à l'Hôpital Louis-H. Lafontaine pour tenter une réadaptation. Mais rien ne fonctionne. «Ma fille est une schizophrène réfractaire persistante et sévère, affirme Mme Couillard. Ça lui prend beaucoup d'encadrement. L'Hôpital Louis-H. Lafontaine était le meilleur endroit pour elle.»

En mai 2010, on tente de placer Nathalie en ressource d'hébergement. «Mais ça n'a pas marché. Ma fille est sociable. Elle n'avait personne avec qui parler. Elle a été agressive et a dû être expulsée», dit Mme Couillard. Depuis, Nathalie habite à Louis-H. Lafontaine. «Elle est bien là, dit sa mère. Les employés sont qualifiés et incroyables. Les services sont de qualité.»

D'ici quelques semaines, la jeune patiente devra déménager. Tout comme une quarantaine de patients de l'Hôpital Louis-H. Lafontaine, elle sera transférée en ressource d'hébergement. Le porte-parole de l'Hôpital Louis-H. Lafontaine (aujourd'hui Institut de santé mentale de l'Université de Montréal), Jean Lepage, affirme qu'il n'est pas certain que ces patients iront tous au Centre d'hébergement de Louvain. «Ces patients ont en moyenne 59 ans et sont hospitalisés depuis 17 ans. On pense que l'hôpital n'est pas le meilleur environnement pour eux. On veut les transférer dans des milieux de vie. Mais pas nécessairement à Louvain», dit-il.

Nouveaux locataires

En septembre, La Presse révélait que le Centre d'hébergement de Louvain changerait sous peu de vocation pour devenir un centre d'hébergement en santé mentale. L'objectif est d'accueillir dès mars 2012 des personnes qui, comme Nathalie, n'ont d'autres choix que d'être institutionnalisées.

Dans les semaines suivant l'annonce, les familles des 155 aînés hébergés à Louvain s'étaient inquiétées de l'arrivée de cette nouvelle clientèle. Directrice de société de schizophrénie de la Montérégie, Mme Couillard s'inquiète quant à elle du sort réservé aux clients en santé mentale. «Les intervenants à Louvain n'auront pas les ressources pour traiter adéquatement cette clientèle», dit-elle.

Mme Couilllard déplore que l'un des établissements dont le personnel est des plus compétents dans le traitement des maladies mentales à Montréal n'hébergera plus les clientèles les plus vulnérables. «On dirait qu'on veut se débarrasser de ma fille. Ça m'enrage!», dit la mère.

M. Lepage mentionne qu'au cours des trois dernières années, 1200 patients qui étaient suivis dans cette institution ont été transférés et sont maintenant suivis par des omnipraticiens dans la communauté. «On n'a eu aucune plainte à ce sujet. Au contraire, les patients sont fiers. Vous savez, pour notre clientèle, on ne pense pas que l'hôpital soit un milieu de vie approprié. On veut leur offrir mieux.»

Au Centre de santé et de services sociaux d'Ahuntsic-Montréal-Nord, on mentionne que le profil type de la clientèle qui sera hébergée au Centre d'hébergement de Louvain sera annoncé en décembre ou en janvier. La formation des quelque 120 membres du personnel a déjà commencé.

Vice-président régional de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) qui représente une portion des employés du Centre d'hébergement de Louvain, Jean-Philippe Grad a bien hâte de connaître le profil exact de la clientèle à venir. Car, selon lui, des patients âgés atteints de maladie mentale sont déjà hébergés dans cet établissement, « mais les syndicats ont dû se battre pour avoir de la formation pour cette clientèle «. « Les employés ont beaucoup de crainte. Si le profil de la nouvelle clientèle est le moindrement plus lourd, il faudra donner beaucoup de formation «, dit-il.