Le Québec sera bientôt au diapason avec l'ensemble des autres provinces: les pharmaciens auront le droit de renouveler des ordonnances et même de prescrire des médicaments pour certains problèmes bénins, une pratique qui aidera à désengorger les bureaux de médecins de famille.

Déposé mardi à l'Assemblée nationale, le projet de loi 41 donne les assises juridiques nécessaires pour que, par règlement, on accorde plus de latitude aux pharmaciens. Ainsi, ces derniers pourront renouveler une ordonnance pour la même période que l'ordonnance originale et ajuster les quantités. Les pharmaciens pourront aussi administrer certains médicaments - montrer par exemple à un patient comment s'injecter l'insuline. Finalement, ils pourront demander et interpréter des résultats de laboratoire et prescrire un médicament quand un diagnostic n'est pas nécessaire. Ils pourront ainsi donner des antiviraux pour un feu sauvage -herpès labial- ou prescrire de l'acide folique à une femme enceinte, donner des médicaments pour les allergies ou fournir ce qu'il faut pour cesser de fumer. Dans certains cas, un premier diagnostic reste nécessaire, par exemple afin de faire une prescription pour une infection urinaire.

Selon le ministre de la Santé, Yves Bolduc, en permettant à de nombreux patients d'éviter un retour à la clinique pour un simple renouvellement de prescription, le projet de loi «répond aux besoins exprimés par la population qui appréciera les impacts concrets de ces mesures sur l'accessibilité aux soins de première ligne». Il n'y aura pas d'économies, précise-t-il toutefois, les consultations ainsi évitées seront accordées à d'autres patients, qui profiteront donc d'un meilleur accès aux soins.

En point de presse mardi, l'Ordre des pharmaciens et le Collège des médecins ont salué l'entente qui a permis le dépôt du projet de loi. «C'est un jour marquant pour la population du Québec», a dit Diane Lamarre, présidente de l'Ordre. Les pharmaciens réclamaient le droit de prescrire pour 29 types d'affections mineures, l'entente porte sur 18 d'entre eux. «La contribution accrue du pharmacien lui permettra de mieux répondre aux besoins des patients et tiendra compte de sa formation et de ses compétences», a souligné Mme Lamarre.

Le Dr Marc Bernard, du Collège des médecins, souhaite une adoption rapide du projet de loi. Le «diagnostic» reste la prérogative du médecin, a-t-il souligné.

Au Parti québécois, Agnès Maltais, porte-parole en matière de santé, a demandé l'adoption avant les Fêtes d'un projet de loi que réclame son parti depuis longtemps. «Ça fait pratiquement deux ans que nous réclamons le dépôt d'un projet de loi qui permettra d'accroître le rôle des pharmaciens dans le système de santé. Il était temps que le gouvernement libéral comprenne enfin le bon sens et agisse», a lancé Mme Maltais.

«Maintenant, nous souhaitons que ce projet de loi soit adopté durant la présente session parlementaire et qu'il soit mis en application dès 2012.»

Cette proposition, a relevé Mme Maltais, a été annoncée au printemps 2010 et inscrite en bonne et due forme dans le programme du PQ adopté en avril dernier.

Les pharmaciens de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario ont déjà cette permission de prolonger et renouveler des ordonnances et, parfois, sous certaines conditions, prescrire des médicaments, a-t-elle rappelé.

«Quand on sait qu'un Québécois sur quatre n'a pas de médecin de famille et que l'engorgement dans les cliniques et les urgences est souvent attribuable à des renouvellements de médicaments, c'est la moindre des choses de confier une partie de cette compétence à des spécialistes du médicament, les pharmaciens», a soutenu Mme Maltais.