Le gouvernement Charest refuse de toucher au programme Pour une maternité sans danger de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) régi par le principe de précaution. «Nous voulons davantage d'enfants au Québec et nous n'allons pas toucher à ce programme», a-t-il assuré hier. La ministre du Travail, Lise Thériault, doit déposer d'ici la fin de l'année, ou l'hiver prochain, un projet de loi pour moderniser différents aspects du régime de santé et de sécurité du travail. Mais elle ne prévoit pas changer le programme pour les femmes enceintes. Les syndicats saluent la décision, le patronat la dénonce.

«C'est décevant, dit Françoise Bertrand, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). Nous ne voulons pas du tout abandonner le programme. On veut plutôt retourner à son esprit de départ, lors de sa création il y a 30 ans. On contrait le danger en place. On n'utilisait pas l'interprétation très large du principe de précaution.»

Selon ce programme, une femme enceinte peut être réaffectée si elle court un risque pour sa santé. Il faut l'avis d'un médecin traitant, puis un autre de la Santé publique. Moins de 5% des demandes sont refusées. Environ une travailleuse enceinte sur deux en bénéficie. «Les femmes ont des droits et ce n'est surtout pas à moi de venir juger si le diagnostic des médecins est correct ou non», a réagi la ministre Thériault.

Redéfinir la notion de danger

Mais le Conseil du patronat veut redéfinir la notion de danger qu'utilisent les médecins. «En ce moment, on doit seulement prouver qu'il pourrait y avoir un danger. Par exemple, des enseignantes ont été retirées de leur école non pas parce qu'il y avait un cas de H1N1, mais plutôt parce qu'on craignait qu'il y en ait. Le Québec est la seule province qui agit ainsi», affirme la vice-présidente en santé et sécurité, Carmel Laflamme.

Les travailleuses doivent en principe être réaffectées. Mais dans plus de la moitié des cas, elles obtiennent un congé de maternité. Deux employées sur cinq qui se prévalent du programme travaillent en enseignement ou dans le système de santé.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante partage l'opinion de Mme Laflamme. «[Les réclamations en maternité] ont totalisé plus de 210 millions l'année dernière. C'était moins de 20 millions il y a 30 ans», dit la vice-présidente, Martine Hébert.

La CSN défend le programme. «On utilise le principe de précaution en environnement, mais ça ne vaudrait pas pour les femmes enceintes?», lance son vice-président, Jean Lacharité. Mais comme la CSN, la FTQ reconnaît que le programme pourrait être amélioré. «Par exemple, on pourrait diminuer les disparités régionales», indique Jean Dussault, conseiller santé et sécurité au travail de la FTQ.

Les représentants du patronat et des syndicats siègent ensemble au conseil d'administration de la CSST. Ils ont récemment déposé un rapport qui contient 30 recommandations communes. Deux portaient sur Pour une maternité sans danger. Ils s'entendent à tout le moins pour commander une étude afin de mieux évaluer les dangers pour les femmes enceintes. Ils voudraient aussi pouvoir modifier la notion de danger, mais ils ne sont toutefois pas d'accord sur la façon de le faire. Le gouvernement Charest ne veut pas leur permettre d'ouvrir cette porte.